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Éduquer sans punition : nos conseils pour poser des limites

Une mère réconforte son fils assis sur un canapé dans une cuisine lumineuse. © Dima Berlin / Getty Images

Publié le par Estelle Hersaint

En collaboration avec Céline Quelen (Fondatrice et directrice générale de l’association Stop VEO)

Notre enfant teste, expérimente, essaye et parfois… Il dépasse les limites et c’est la crise ! Alors, comment lui rappeler les règles sans pour autant le punir ? Céline Quelen, directrice générale de l’association Stop VEO vous dit tout.

L’apprentissage de la discipline et du respect des règles demande du temps. Mais cela fait partie du rôle de parents ! Loin d’être innée, le respect des règles est un acquis à enseigner afin que notre enfant comprenne quels comportements sont acceptables ou non dans la vie courante. Pas question non plus de l’écraser sous un autoritarisme démesuré ! Sinon, on parle de violence.

Le mettre au coin, l’isoler, le priver de dessert… Voilà des solutions de facilité qui, si elles apportent un silence presque immédiat, n’ont en réalité, rien d’efficace sur le long terme. Sans parler des violences psychologiques et physiques qui sont à proscrire ! « Une VEO peut créer un traumatisme. Ça laisse forcément des traces », assure Céline Quelen, directrice générale de l’association Stop VEO.

Qu’est-ce qu’une VEO ?

« Les violences éducatives ordinaires sont des actes violents utilisés intentionnellement par un adulte dans le but d’éduquer. Elles sont socialement considérées comme ordinaires car elles sont banalisées voire plébiscitées », définit Céline Quelen. On les classe en trois catégories : les violences physiques (fessée, gifle, tape sur les mains, privation de nourriture…), les violences psychologiques (les punitions, le chantage, la menace du retrait d’affection…), les violences verbales (crier, insulter, humilier…).

Alors que faire ? S’il n’est bien sûr pas question de laisser libre champ à son enfant, il est possible de l’éduquer dans la bienveillance. Et ça marche !

Est-il nécessaire de punir pour éduquer ? Est-il possible d’éduquer sans punir ni contraindre ?

Punir son enfant n’a en réalité, que peu d’efficacité. Au contraire, notre enfant aura tendance à réitérer les mêmes bêtises ou pire encore. Mieux vaut le responsabiliser, lui expliquer pourquoi il est en tort, pourquoi il n’aurait pas dû faire ça et lui apprendre à réparer son erreur. Toutefois, éduquer sans punir demande du temps et une écoute active. Cela étant dit, c’est intrinsèque au fait d’avoir un enfant ! Et si certains parents n’ont pas le temps ou l’envie de gérer les conflits ainsi, rappelons que se disputer, crier, ou pire, frapper prend tout autant de temps si ce n’est plus. Sans compter que le moment générera chez vous comme chez votre enfant, colère, agacement, frustration, tristesse… Un cocktail d’émotions négatives qu’on préfère éviter.

Certes, « avoir recours à des violences éducatives aura un effet immédiat, c’est d’ailleurs pour ça qu’elles perdurent. Quand on utilise la violence réprimer un comportement, ce dernier va stopper immédiatement. Non pas parce que l’enfant a compris où était son erreur, pourquoi il avait dépassé les limites, mais parce qu’il est tétanisé, parce qu’il subit une montée de stress immédiate, parce qu’il a peur de vous », décrit Céline Quelen. Ce type de violence (qu’on appelle violence éducative ordinaire ou VEO) est d’ailleurs interdite et sanctionnée par la loi. Très ancrées dans nos habitudes éducatives, ces VEO ont de lourdes conséquences sur notre progéniture. Les coups portés, que ce soit une gifle ou une fessée, sont humiliants et traumatisants. « La violence n’a aucune vertu éducative, l’enfant n’aura rien compris, rien n’apprit. Au contraire, il va enregistrer que la violence est une solution. » Et le problème risque de se répéter encore et encore !

Quand un enfant fait une colère ou désobéit, il y a toujours une raison, souvent émotionnelle. « C’est évident mais on l’oublie souvent, les enfants n’ont pas la capacité de faire les mêmes choses que nous. » On a tendance à percevoir notre enfant comme un mini-nous capable d’une réflexion similaire à celle d’un adulte. Il n’en est rien. Si notre enfant est loin d’être idiot, son développement cognitif ou cérébral n’est pas encore complet. La plupart des zones du cerveau arrivent à maturité vers 25 ans ! Il y a donc de nombreuses situations qu’il ne saura pas gérer et auxquelles il répondra certainement en étant désobéissant ou en crisant. « Avoir accès au raisonnement, à l’éthique, la logique, la morale et aux valeurs qui régissent nos sociétés, sont des capacités, des connaissances qu’ils n’acquièrent que tardivement. Ils ne savent pas réguler leurs émotions et ne peuvent maîtriser tous les gestes les plus archaïques. Il lui arrive d’avoir des comportements outranciers et déroutants pour les adultes, comme frapper, crier, pousser etc. Quand on observe ça avec nos yeux d’adulte, et qu’on ne connaît pas toutes les étapes de développement d’un enfant, on a tendance à vouloir réprimer ces comportements. On souhaite avoir des enfants sages, qui obéissent, qui agissent comme des adultes alors qu’ils n’en sont physiologiquement pas capables », détaille Céline Quelen.

Il est essentiel de comprendre ce qu’il se passe plutôt que de punir à l’aveugle. Et si notre enfant réitère encore et encore les mêmes bêtises, c’est certainement parce qu’en tant de parents, nous n’avons pas encore trouvé l’origine du problème ou que nous n’avons pas su répondre à son incompréhension.

Si notre enfant est capable de parler, posez-lui des questions, essayez de comprendre ce qu’il ressent et surtout, écoutez-le ! Si c’est un bébé, il n’est absolument pas en capacité d’appréhender ses émotions. Il a simplement besoin de quelque chose et vous le fait savoir.

Pour autant, éduquer sans punir ne rime pas avec laxisme. Il n’est évidemment pas question de laisser notre enfant faire tout et n’importe quoi. Imposer des limites est nécessaire à sa construction, au bien-être de tous. Un cadre sain et structuré le rassure et le met en confiance car il sait que vous êtes là pour lui.

Qu’est-ce que le Time-out ?

Il existe plusieurs écoles. Si isoler son enfant dans sa chambre pour l’aider à se calmer peut apaiser un conflit, tous les enfants ne le vivent pas de la même manière : chez certains, la colère sera encore plus grande. Chez d’autres, ce sera seulement l’occasion de jouer dans leurs chambres en attendant que l’isolement cesse. Inutile si l’enfant n’en comprend pas les tenants et aboutissants de sa sanction.

« La différence entre sanction et punition : la punition est considérée comme injuste, décorrélé de l’acte, et souvent violente. La sanction n’est pas considérée comme injuste et en rapport avec ce qui a été fait, elle est toujours réparatrice », précise Céline Quelen. Plutôt que de parler de punition, on préfère ainsi parler de sanction. En ce sens, la sanction doit être considérée comme un outil pour que notre enfant connaisse les limites et non un moyen de l’assujettir. Il doit pouvoir comprendre ses erreurs pour agir en conséquence.

Quelles sont les alternatives pour se faire comprendre sans violence dans le cadre d’une éducation bienveillante ?

« On a l’impression qu’éduquer c’est punir. Pourtant, il y a tellement de choses à faire avant, et ce, quel que soit l’âge de l’enfant », assure Céline Quelen.

Mettre des règles en place

Prérequis à toute éducation : il est essentiel que votre enfant connaisse les règles à respecter à la maison comme en dehors. « La sanction est censée être là quand on a déjà posé une limite mais qu’elles ne sont pas respectées. Sans ce préalable, il n’y a pas lieu de punir. L’enfant ne peut pas savoir qu’il n’a pas le droit si on ne lui explique pas en amont », explique Céline Quelen. « Notre responsabilité en tant que parent est de poser des limites en fonction de ce qui nous semble juste pour l’enfant comme pour nous. Et de faire en sorte qu’elles soient comprises par lui. »

Si votre enfant sait ce qu’il a le droit de faire ou non, que les règles sont bien intégrées, vous verrez qu’il n’y aura que peu d’occasions de sanctionner son comportement. Ce temps d’apprentissage peut prendre du temps. Il faudra vous montrer patient, mais c’est tout l’enjeu d’une éducation saine et bienveillante.

Pour ne pas dépasser les limites, il doit avant tout connaître les interdits. Avant d’arriver à la sanction, il faut toujours énoncer les règles, sinon, comment s’assurer que son enfant les assimile ? Quand on demande quelque chose à un enfant mais qu’il refuse, « il s’agit de comprendre pourquoi. Et en fonction de la situation, il peut y avoir une sanction ou un acte de responsabilisation en fonction de la bêtise », précise Céline Quelen.

L’occasion d’énoncer à nouveau les règles à suivre avec des mots simples et clairs. Laissez votre enfant assimiler l’information et dites-lui que vous reviendrez dans quelques minutes pour lui demander s’il a compris. Rappelez-lui que s’il n’est pas d’accord avec la règle, il sera sanctionné. Selon le caractère de votre enfant, vous pouvez également lui demander de revenir vers vous quand il aura compris. Il est important de laisser son enfant absorber la consigne et réfléchir à la situation. Après un instant, revenez-le voir. S’il n’est toujours pas d’accord, sanctionnez-le de manière cohérente et proportionnée, c’est-à-dire en rapport avec la bêtise et son âge.

Faire une pause

Il est souvent possible d’éviter une grosse colère en anticipant et en laissant son enfant exprimer ce qu’il ressent. Si votre enfant commence à s’énerver, crier, pleurer parce qu’il refuse d’aller au lit, de ranger sa chambre ou parce qu’il n’a pas pu faire ses lacets tout seul, redonnez-lui la consigne. Si c’est toujours non, isolez-vous avec lui quelque part avant qu’une crise n’explose. Même s’il ronchonne, demandez-lui de se calmer pour que vous puissiez discuter. Le fait de changer de lieu et d’exprimer votre demande instaure une pause et peut éviter la crise. Il faut savoir être patient, laisser la tempête passer. Il doit pouvoir se calmer tranquillement.

Il est nécessaire de prendre un temps seul avec lui pour comprendre et le questionner sur ce qu’il ressent. Nos enfants ont du mal à réguler leurs émotions. C’est normal. Très vite, tout explose. Une fois calmé, vous pourrez lui demander ce qu’il ressent, si c’est de la colère, de la tristesse, de la frustration… Et l’aider à mettre des mots dessus. L’occasion aussi de lui redonner votre consigne calmement et surtout, de ne pas lâcher !

Faut-il punir les enfants avant 3 ans ?

« Pour les plus petits, pas besoin de poser une règle, ils ne seront pas capables de la comprendre. Là il faut être malin et mettre des choses en place pour que notre enfant ne casse ou ne renverse rien. C’est juste du bon sens », explique Céline Quelen. Un bébé ne fait pas de caprice, tout simplement parce que son cerveau n’est pas encore suffisamment développé pour. Il expérimente. Un jeune enfant teste, découvre et observe les réactions que ses gestes provoquent. Parfois, elles sont négatives. Mais le concept de bien ou de mal, n’est pas compréhensible pour un tout-petit. Il faut donc expliquer, calmement et évidemment, sans cri ni violence. Si bébé tire les cheveux, on lui dit non. S’il veut mettre les doigts sur quelque chose de brûlant, on lui dit non et on éloigne le danger. S’il s’énerve parce qu’il n’a pas ce qu’il souhaite, éloignez-vous avec lui, laissez-le se calmer mais soyez ferme sur le non. Il ne faut pas lâcher car votre enfant doit connaître les limites.

« On est soit même fatigué, ce n’est pas toujours facile. Éventuellement tester des choses qui l’apaisent. On peut faire un câlin, automatiquement, ça va venir sécréter des hormones et calmer l’enfant », conseille Céline Quelen. Et si malgré tout, une colère explose, laisser votre enfant prendre le temps de se calmer avant de débriefer.

Afin d’accompagner autant que possible notre enfant sur ses émotions, il est essentiel de les accueillir avec bienveillance. D’ailleurs, les parents aussi peuvent décrire la situation et exprimer ce qu’ils ressentent vis-à-vis d’elle. Ensuite, on prend le temps d’écouter ce que ressent l’enfant. Au-delà d’aider son enfant à comprendre et nommer ce qu’il ressent, on crée un climat de confiance au sein duquel il sait qu’il pourra toujours compter sur vous. Pour les plus petits qui ne parlent pas encore, c’est l’occasion de mettre des mots sur leurs émotions pour les guider. Si son enfant hurle, mieux vaut dire : « Je sais que tu es très en colère. » Plutôt que : « Tu me fais honte, arrête tes bêtises. » À force, l’enfant mettra des mots sur ses sentiments, apprendra à mieux les comprendre et saura qu’il est légitime.

Opter pour la communication (non violente)

C’est une des bases de toute relation y compris avec ses enfants : la communication. Maintenir un lien avec votre enfant, verbaliser la situation, décrire un mauvais comportement, ses conséquences, parler de ses émotions aideront votre enfant à comprendre ce qu’il se passe.

Si votre enfant est incapable d’échanger, laissez-lui le temps de se calmer. Inutile d’avoir une discussion à chaud et en colère. Mieux vaut que la tempête passe pour lui, comme pour nous. Crier sur son enfant ne ferait qu’aggraver les choses et bloquerait la communication. « Quand son enfant crie, surenchérir par des hurlements n’est pas la solution. Quand son enfant crie, c’est qu’il est aux prises d’une forte émotion », assure Céline Quelen. Lors d’une crise, essayez de parler moins fort, voire de chuchoter. Baisser le ton permet de capter son attention, détourne le sujet de la colère et aide à apaiser l’atmosphère. Il montre également que vous êtes à son écoute.

Ce n’est qu’une fois que son enfant s’est calmé, qu’on peut communiquer. Vous pouvez revenir sur le problème et en parler. Expliquer quel est le souci de manière simple et claire et pourquoi vous ne souhaitez pas que cela se reproduise. Faire preuve d’autorité suffit généralement avant de sanctionner.

Responsabiliser ses enfants

Quand les règles sont bien énoncées en amont, un enfant sait généralement quand il n’a pas été sage. « L’idée c’est de comprendre et de faire en sorte que l’acte ne se reproduise plus. On essaye de comprendre ce qu’il s’est passé », explique Céline Quelen. Au lieu de lui infliger une punition sans la moindre explication, essayez de lui demander s’il sait pourquoi vous êtes fâché et comment il peut réparer sa bêtise, ce qu’il peut faire pour arranger les choses. « Et en lui montrant que ses bêtises ont des conséquences, petit à petit, il va trouver des solutions. » Encore une fois, laissez-lui un petit temps de réflexion. Il ne sait pas ? Proposez-lui des idées. Il renverse son verre d’eau, amenez-le à nettoyer. Il déchire le dessin de sa sœur ? Il devra le réparer etc. Ici, on cherche des solutions ensemble afin d’obtenir réparation. Ce sont les débuts de la responsabilisation et de l’autonomisation.

De la même manière, il ne faut pas oublier que tous les enfants traversent différentes phases de développement. Avant 5 ans, un enfant n’aime par exemple pas être interrompu. Il peine à passer d’une tâche à une autre s’il ne l’a pas lui-même décidé. On comprend ainsi mieux pourquoi il refuse d’aller au bain alors qu’il dessinait tranquillement. L’idéal serait ainsi d’accompagner les transitions plutôt que de sanctionner : passez voir votre enfant et prévenez-le que d’ici 5 minutes, il sera temps d’aller se laver. Vous pouvez en parallèle l’aider à ranger ses crayons. Avec l’habitude, passer d’une action à une autre sera de plus en plus facile.

Avec les plus grands, il est nécessaire de faire appel au consensus. Si votre enfant dépasse les bornes ou fait quelque chose avec laquelle vous n’êtes pas d’accord, dites-lui. Selon la situation, vous pouvez choisir de lui faire confiance et de lui demander que ça ne se reproduise pas. Sinon, vous pouvez réfléchir ensemble à une solution, un compromis qui conviendrait à tous. Votre ado veut sortir ? Convenez d’un horaire de retour. S’il rentre plus tard, la prochaine fois, il ne sera pas autorisé à sortir.

OSZAR »