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Les ados, le genre et l'amour : la grande révolution

Personne tenant des drapeaux arc-en-ciel, symbole de fierté LGBTQ+. © Vladimir Vladimirov / Getty Images

Publié le par Nelly Deflisque

En collaboration avec Camille Aumont Carnel (Autrice) et Arnaud Alessandin (Docteur en sociologie)

Gender fluid, non binaire, bisexuel, asexuel, pansexuel… nos ados revendiquent le droit de se définir et d’aimer comme ils l’entendent. Comment accompagner notre ado en évitant maladresses et incompréhension ? Analyse et conseils, avec le sociologue Arnaud Alessandin et la militante Camille Aumont Carnel.

 

Ah, les amours adolescentes ! Les mots doux déposés dans la trousse, les mains qui se frôlent sous la table de la cantine… Hum. On nous souffle dans l’oreillette qu’on n’est pas loin d’être à côté de la plaque, et que si les jeunes ont toujours le rose aux joues et le cœur qui bat (ouf !), ils bousculent et renouvellent avec panache les codes amoureux et sexuels.

Comment expliquer cette explosion des codes de genre et de sexualité chez les ados ?

Arnaud Alessandin : Depuis vingt ans, les façons de dire et de vivre la sexualité et le genre chez les jeunes ont nettement évolué. Ils sont de plus en plus nombreux à s’affirmer comme non binaires, gays trans, gender fluid, lesbiennes… Il ne s’agit pas d’un “effet de mode”, mais d’un rattrapage de toutes ces années de tabous, de silence. Cette explosion des codes, on la doit notamment à l’usage des réseaux sociaux, qui a permis aux ados de rompre avec l’isolement.

L’IDENTITÉ DE GENRE, qu’est-ce que c’est ?

Vous vous sentez un poil dépassé.e par les définitions des différentes identités de genre dont se réclament de plus en plus les ados ?

Féminin : une personne de genre féminin qui se reconnaît dans les caractéristiques définies par la société.

Masculin : une personne de genre masculin qui se reconnaît dans les caractéristiques définies par la société.

Non binaire : une personne non binaire ne se reconnaît ni dans le masculin ni dans le féminin.

Gender queer : une personne qui se décrit comme n’étant ni masculine, ni féminine, les deux ou un mélange des deux.

Gender fluid : quand l’identité et l’expression de genre (la manière dont on se présente au monde) fluctuent en fonction du moment de la vie ou des circonstances.

Cisgenre : l’identité de genre d’une personne cisgenre correspond au genre donné à la naissance.

Transgenre : l’identité de genre ne correspond pas au genre donné à la naissance.

A ne pas confondre avec L’ORIENTATION SEXUELLE

S’il existe autant d’orientations sexuelles que d’individus, on en dénombre cinq majeures :

- Asexualité : aucune attirance sexuelle, quels que soient le sexe ou le genre des personnes.

- Bisexualité : attirance affective et/ou sexuelle pour les personnes du même sexe et du sexe opposé.

- Hétérosexualité : attirance affective et/ou sexuelle pour des personnes du sexe opposé.

- Homosexualité : attirance affective et/ou sexuelle pour des personnes de même sexe.

- Pansexualité : désigne une personne qui aime un individu sans considération de son genre ou de son sexe, c’est la personnalité qui compte.

Attention : pour certain.es, l’orientation sexuelle n’est pas figée et évolue au cours de la vie.

Les préférences sexuelles et affectives à 16 ans ne seront peut-être pas les mêmes à 50 ans !

Chacun sa route (sexuelle), chacun son chemin…

Sur Tik Tok, Instagram, Facebook, les plateformes web des associations et des collectifs militants, les ados ne se sentent plus seuls. Toutefois, cet usage entraîne du harcèlement numérique… S’il était auparavant circonscrit aux espaces physiques, ce harcèlement se déploie désormais dans les sphères intimes et rend les victimes plus vulnérables.

Enfin, la reconnaissance des minorités sexuelles et de genre s’est aussi opérée dans les imaginaires grâce aux séries (“Sex Education”, “HeartStopper”…), dont les personnages représentent l’ensemble des communautés LGBTQI + et auxquels les ados peuvent s’identifier. Pour preuve, on n’a jamais vu autant de lycéens dans les rues lors de la marche des Fiertés LGBT + !

« C’est plus difficile pour les garçons

Au collège, je connais plusieurs élèves trans et quelques filles qui se disent lesbiennes, mais j’ai l’impression que c’est plus difficile pour les garçons de s’assumer ! Dans mon groupe d’amies, j’ai deux copines qui ont fait leur coming out, et quand l’une d’elles l’a annoncé aux gars de la classe, certains ont eu un mouvement de recul… En tout cas, le fait de le savoir, ça ne nous a fait ni chaud ni froid et ça n’a rien changé à notre amitié. D’ailleurs, cette année, on a eu deux journées contre l’homophobie, mais sans intervenants, juste des stands avec des panneaux d’information, c’est dommage. Grâce à ces journées, je sais quand même ce que signifie le terme asexuel ou pansexuel. Mais je pense que ça serait une bonne chose qu’on ait des ateliers “en vrai” pour poser nos questions à des adultes… Moi, j’ai de la chance car mes parents sont ouverts sur le sujet, mais je sais que ce n’est pas pareil partout.

Éléa, 12 ans, en 5e

La prise en compte politique et sociale a-t-elle eu un impact ?

A. A. : Le mariage pour tous, voté en 2013, ou encore la loi relative à la reconnaissance du motif de transphobie dans le code pénal en 2016, ont notamment permis de faire en sorte que la honte change de camp ou, en tout cas, qu’elle ne soit plus uniquement du côté des lesbiennes et des gays.

Le contexte social a également joué, avec la vague de dénonciation des violences sexuelles et de genre depuis le mouvement #Metoo, #Metoogay, #Metootrans et les combats féministes. Ces revendications ont participé à ces affirmations de l’identité de genre et des orientations sexuelles, notamment chez les mineur.e.s. D’ailleurs, on observe très clairement une culture du témoignage de la discrimination sur les réseaux, une multiplication des groupes de parole.

Pour les jeunes, il est devenu insupportable d'être discriminé sur le motif de son genre ou de sa sexualité. Ça ne veut pas dire pour autant que tout va bien…

Quelles réponses apporte l’Éducation nationale pour informer et protéger les ados ?

A. A. : Les budgets alloués pour combattre les préjugés et les violences ne sont absolument pas satisfaisants. Ces dernières années, les associations féministes ont par ailleurs souligné la précarité économique des financements qui leur ont été attribués…

La question des sexualités reste un véritable angle mort de l’Éducation nationale : le gouvernement Macron avait promis des cours dédiés, mais force est de constater que le nombre d’heures est peu, voire pas respecté. Par ailleurs, les rapports amoureux et sexuels y sont seulement abordés sous le prisme hétérosexuel et le message concernant la contraception et la prévention est tourné uniquement vers les filles.

Sans compter que les écoles primaires n’abordent jamais la question du genre, comme si les enfants étaient dans une abstraction sur ces questions-là…

Comment accueillir son coming-out ?

1. On se prépare

Vous voyez venir le coming out de votre enfant depuis un moment, mais vous ne vous sentez pas tout à fait prêt. e à accueillir pleinement cette nouvelle ?

Plein d’ouvrages fleurissent sur le sujet.

En essayant de comprendre ce que vit votre enfant, vous vous sentirez plus serein. e, et serez peut-être moins maladroit.e.

2. On accueille

Priorité à ses émotions ! Votre enfant fait preuve d’un grand courage en se livrant à vous, laissez-lui donc tout l’espace nécessaire pour s’exprimer.

Remerciez-le pour cette marque de confiance et rassurez-le sur votre amour et votre fierté d’être son parent, quelle que soit son orientation sexuelle.

À l’inverse, ne minimisez pas ce qu’il vous dit : il ne s’agit pas d’une “passade” ou d’un “effet de mode”, ni d’une envie de vous provoquer. Inutile de culpabiliser et d’en rechercher les origines, il n’y en a pas. Ne cherchez pas non plus à le faire changer d’orientation sexuelle, c’est impossible et ça n’engendrera que de la souffrance et détériorera vos liens…

3. On se renseigne

N’envahissez pas votre enfant de questionnements si vous ne le sentez pas prêt. e à vous répondre et à vous rassurer (il n’est pas forcément en mesure de jouer ce rôle). Maintenir le dialogue reste primordial : vous pouvez lui dire que vous avez besoin d’un peu de temps pour cheminer à votre rythme, ce qui ne veut pas dire que vous ne l’acceptez pas.

Prenez le temps de vous rapprocher des associations LGBTQI +.

Merci l’association Contact, (asso-contact.org).

Nous nous sommes aussi adressé à Camille Aumont Carnel, militante, fondatrice du compte Instagram « Je m’en bats le clito » (700 000 followers) et autrice du livre #Adosexo (éd. Albin Michel)

Quel conseil donneriez-vous aux parents ?

Camille Aumont Carnel : Tout d’abord, je comprends leur gêne, ils ont grandi autour de ce tabou et accumulent naturellement les peurs et les stéréotypes. Mais le résultat, c’est que leur ado se rend sur internet pour chercher des réponses et il risque de tomber sur des sites inadaptés et violents, comme le porno. Je leur conseille d’être le plus honnêtes possible.

Ça commence par dire à son enfant qu’on n’est pas hyper à l’aise avec le sujet, mais qu’on est à son écoute et qu’on va faire en sorte de lui trouver des réponses adaptées. Ce n’est pas les livres, les sites, les plateformes qui manquent sur le sujet. S’ils ont appris à leur enfant à parler, à être poli, ils devraient réussir à faire son éducation sexuelle !

L’évolution sera-t-elle positive pour la future génération ?

C. A. C. : Globalement oui, car c’est une génération qui a conscience des enjeux qui la concernent : écologie, féminisme, grossophobie, respect des identités de genre et orientations sexuelles… Ils s’informent vite et encodent rapidement des réflexes d’autodéfense, que j’essaye d’ailleurs de leur transmettre via mon compte Instagram.

Mais je reste aussi préoccupée par le manque de dialogue sur le sujet à la maison et à l’incapacité de l’Éducation nationale à offrir des cours d’éducation sexuelle et affective dignes de ce nom. Ce n’est pas pousser un ado au sexe que de l’informer ! Il est parfaitement illusoire de croire qu’à 11 ans, il vit dans le monde des Bisounours, bien sûr que non !

À lire aussi sur le sujet :

Comprendre l’homosexualité, Marina Castañeda (éd. Pocket)

Je suis qui ? Je suis quoi ? Jean-Michel Billioud et Sophie Nanteuil (éd. Casterman)

#Adosexo de Camille Aumont Carnel (éd. Albin Michel)

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