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Le couple face à la PMA

Le couple face à la PMA © martin-dm

Publié par Katrin Acou-Bouaziz  |  Mis à jour le par Ysabelle Silly

Les difficultés pour avoir un enfant fragilisent le couple. Pourquoi ? Comment préserver une relation apaisée malgré les examens, les déceptions, les attentes ? Peut-on en sortir plus forts ? Les réponses de Mathilde Bouychou, psychologue clinicienne et psychothérapeute, spécialisée en périnatalité.

Pourquoi est-ce si difficile pour un couple de rentrer dans un parcours de PMA ?

Mathilde Bouychou : « Ne pas réussir à faire quelque chose de l’ordre du naturel – faire l’amour pour avoir un enfant – provoque une blessure narcissique profonde. Cette douleur n’est pas forcément avouée par les couples. Elle se révèle encore plus douloureuse si aucune cause médicale ne vient expliciter le diagnostic d’infertilité.

Au contraire, les raisons médicales ont le pouvoir d’abaisser la culpabilité en donnant du sens à la situation.

Enfin, l’attente entre les examens, entre les tentatives, est aussi un facteur compliqué car elle laisse de la place pour penser… Dès que les couples sont dans l’action, c’est plus simple, même si l’inquiétude, la peur de l’échec restent envahissants.

Il y a aussi des cas d’incompréhension qui fragilisent le couple en profondeur. Par exemple, un conjoint qui n’accompagne pas sa conjointe dans les examens, qui ne suit pas vraiment ce qui se passe. L’homme ne vit pas la PMA dans son corps, et la femme peut finir par lui reprocher ce manque de présence. Un bébé se fait à deux. »

Le rapport au corps et à l’intimité est aussi bouleversé…

M.B. : « Oui, la PMA fragilise aussi physiquement. Elle fatigue, elle donne des effets secondaires, complique l’organisation de la vie professionnelle et le quotidien, surtout pour la femme qui subit tous les traitements, même si l’infertilité a une cause masculine. Les médecines douces (acupuncture, sophrologie, hypnose, homéopathie…) peuvent apporter beaucoup de bien-être aux femmes dans cette situation.

Quant aux rapports intimes, ils sont rythmés par un calendrier précis, deviennent des moments de pression et d’obligation. Des pannes peuvent survenir, compliquant encore la donne. La question de la masturbation, parfois nécessaire, met aussi mal à l’aise certains couples. »

Conseillez-vous aux couples de se confier à leur entourage ?

M.B. :« Parler de sa difficulté à avoir un enfant, c’est parler de sa sexualité. Certains couples y parviendront avec des proches, d’autres beaucoup moins. Dans tous les cas, c’est délicat car les remarques de l’entourage sont parfois maladroites. Les amis ne connaissent pas tous les détails du diagnostic, toutes les subtilités du processus et n’ont pas idée de la souffrance que le couple endure. “Arrêtez d’y penser, ça viendra tout seul, tout est dans la tête !”… Alors que c’est tout bonnement impossible tant la PMA envahit le quotidien. Sans compter les annonces de grossesse et de naissance qui pleuvent autour du couple et renforcent le sentiment d’injustice : “Pourquoi les autres y arriveraient et pas nous ?” »

Qui, dans le parcours de PMA, peut aider le couple à surmonter les difficultés ?

M.B. : « Que ce soit à l’hôpital ou dans une consultation privée, le soutien d’un psychologue ou d’un psychiatre n’est pas automatiquement proposé. Pourtant, cela permet aux couples d’avoir une personne référente à qui raconter le chemin qu’ils traversent, les espoirs, les doutes, les échecs. La PMA donne lieu à une « conception fractionnée ». Les couples ont besoin de soutien à chaque étape. Ils sont embarqués dans un véritable ascenseur émotionnel. Et doivent se poser des questions que les autres couples n’abordent pas pendant une grossesse. Ils se projettent, se positionnent sur le long terme. Par exemple que faire si la 4e tentative de FIV (la dernière remboursée par la Sécurité Sociale en France) échoue, comment construire son avenir sans avoir d’enfant ? Je conseille vivement la consultation d’un professionnel qui a l’habitude des questions d’infertilité. Quelques séances peuvent suffire. »

La PMA pousse-t-elle certains couples à se séparer ?

M.B. : « Malheureusement cela arrive. Tout dépend de la solidité des bases du couple au départ. Mais aussi de la place du projet de naissance au sein du couple. Est-ce un projet à deux, ou un projet plus individuel ? Mais certains dépassent l’obstacle, sont capables de se confronter à ce qui est douloureux, de se réinventer. Ce qui est sûr, c’est qu’on n’y parvient pas en « mettant toute la souffrance sous le tapis ».

Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, les risques de séparation existent aussi après la naissance d’un enfant. D’autres difficultés surviennent (que tous les parents doivent surmonter), la blessure narcissique perdure, certains couples sont fragilisés dans leur vie sexuelle. L’enfant ne répare pas tout. Le meilleur moyen d’éviter les risques d’incompréhension à long terme : se parler, vivre les étapes ensemble, ne pas rester chacun de son côté dans la douleur. »

 

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