Mon compagnon et moi étions ensemble depuis longtemps, nous nous aimions et j’ai eu très envie d’avoir des enfants. Lui était moins motivé, mais d’accord sur le principe. Au bout de deux ans, rien ! J’étais inquiète, je trouvais ça bizarre, mon compagnon me disait que chaque chose arrive en son temps et qu’on y arriverait. Lui, il ne force jamais le destin. Moi je suis plutôt angoissée, et j’aime provoquer les événements. Je suis allée consulter un gynéco pour comprendre ce qui se passait. Les examens médicaux ont révélé un léger dérèglement hormonal, mais sans gravité. Je pouvais parfaitement avoir un enfant. Du coup, j’ai demandé à mon compagnon de vérifier si tout allait bien de son côté. Il a mis très longtemps à faire un spermogramme, il agissait comme s’il se doutait qu’il avait un problème et avait peur de savoir. Je l’ai tanné pendant six mois tous les soirs, j’étais très en colère et notre relation s’est dégradée. Il a fini par y aller et l’examen a révélé qu’il souffrait d’azoospermie, il avait 29 ans, et aucun spermatozoïde dans le sperme.
Ils ont découvert une tumeur à mon mari !
J’ai pris la décision d’aller consulter avec lui un spécialiste de la stérilité. On voulait tous les deux trouver une solution pour avoir un enfant. On m’a à nouveau fait une batterie d’examens, mes trompes n’étaient pas bouchées, mon utérus avait une forme correcte, et ma réserve ovarienne était parfaite. En revanche, les nouveaux examens pratiqués sur mon compagnon ont mis en évidence une tumeur aux testicules. Cette maladie se soigne bien, il ne risquait pas sa vie, c’était un soulagement. Mais cette mauvaise nouvelle m’a bouleversée. J’allais avoir 30 ans et mon monde s’écroulait ! La maternité, c’était pour moi une question de vie ou de mort, ne pas avoir d’enfant, c’était rater sa vie, la mienne n’avait pas de sens si je ne devenais pas mère. Le spécialiste qui a enlevé la tumeur de mon compagnon a récupéré 3 000 spermatozoïdes durant l’opération. C’est très peu pour faire des FIV avec ICSI (un spermatozoïde est introduit dans l’ovule), mais on a tenté notre chance. Moi j’étais pessimiste, je n’y croyais pas. On a fait deux tentatives qui ont échoué. Notre couple s’est encore un peu plus détérioré. Et j’ai pété les plombs, la vie sans enfant était impossible, ça a tout remis en cause, on s’est séparés un an. C’était violent, je plantais mon compagnon avec son cancer, mais j’étais trop obnubilée par mon désir d’enfant, je l’ai oublié. Il a rencontré quelqu’un d’autre, retrouvé confiance en sa virilité, et moi, je me suis très vite rendu compte que la vie sans lui était impossible ! J’ai pris conscience que je préférais “Pas d’enfant avec lui”, plutôt “Qu’un enfant sans lui”. Il avait coupé tout contact avec moi. Une fois par mois, je lui donnais de mes nouvelles sur son répondeur. Au bout d’un an, il m’a appelée et je lui ai dit que je l’aimais toujours, que je l’attendais, que j’étais prête à accepter de ne pas avoir d’enfant pour revivre avec lui. Nous nous sommes retrouvés et notre couple est sorti plus fort de cette séparation.
L'échographie des 12 semaines a montré un problème
Étant donné que mon compagnon était stérile, la solution c’était soit l’adoption, soit l’IAD (insénation avec donneur anonyme). Lui était pour l’IAD. Moi je freinais. Il m’a fallu deux ans de psychothérapie pour accepter cette technique de procréation médicale assistée. C’était l’anonymat qui m’angoissait, ne pas savoir qui est à l’origine de ce don. J’étais hantée de fantasmes négatifs, le donneur serait peut-être un psychopathe passé à travers les mailles du filet ? En plus, mes parents trouvaient que c’était une mauvaise idée. A ce moment-là, nous avons rencontré un couple d’amis qui avaient conçu leurs enfants par IAD. On a beaucoup parlé, ils nous ont aidés à nous lancer.
La démarche est très longue, on va au CECOS (Centre d’Études et de Conservation des Œufs et du Sperme), on subit encore des examens, on rencontre des médecins, un psy, pour voir si on a bien conscience de ce que cette technique implique et comment on envisage la parentalité. Une fois qu’on est jugés “aptes”, ils choisissent un donneur qui a un phénotype proche du mari – couleur des yeux, de la peau, morphologie… Il n’y a pas beaucoup de donneurs, le délai d’attente est de 18 mois. A ce moment-là, j’avais déjà 32 ans et je me suis aperçue que j’allais être maman à 35 ans ! Comme on peut réduire le délai si on présente un donneur au CECOS, un ami de mon compagnon a accepté de faire un don anonyme pour d’autres parents. Notre situation le touchait, c’était un acte gratuit, on ne le remerciera jamais assez ! Tout comme ma meilleure amie qui nous a toujours soutenus dans notre combat. Au bout de 12 mois, j’ai fait deux inséminations. Mais ça n’a pas marché. Puis deux FIV qui n’ont pas marché non plus. J’ai revu un psy, spécialiste de la stérilité, et je me suis rendu compte que j’avais toujours la même angoisse vis-à-vis du donneur. Finalement, c’est la 5e insémination qui a marché, je suis enfin tombée enceinte ! Nous étions euphoriques. Mais l’échographie des 12 semaines a montré une clarté nucale de 6 mm, et les médecins nous ont confirmé que notre bébé avait une grave malformation cardiaque. Après discussions avec l’équipe médicale, nous avons décidé de ne pas le garder. J’ai accouché par voie basse à 16 semaines de grossesse, j’étais anesthésiée, je vivais ça comme un robot. C’était une fille, je n’ai pas voulu la voir, mais elle a un prénom et elle est inscrite sur notre livret de famille. Suite à cet événement, j’ai fait un déni total sur ce qui s’était passé. C’était dur pour mon compagnon, il a fait une dépression. Alors on a décidé de se marier, de faire une super fête avec nos amis et ma famille pour surmonter notre tristesse. Ma sœur a organisé mon mariage, c’était génial. J’ai repris les inséminations, j’avais droit à un 2e don, et encore six inséminations. A la cinquième, je suis tombée enceinte. Je n’étais pas euphorique du tout. J’avais des petits saignements et j’étais persuadée que j’allais perdre mon bébé. Lors de l’échographie de la 12e semaine, je pleurais. Mais tout allait bien, mon bébé était normal. J’ai vécu une grossesse atroce, il n’y avait aucun problème, mais j’étais tellement stressée que j’ai déclenché une urticaire géante, j’avais la hantise de la toxoplasmose et des chats, je ne mangeais plus que du Babybel !
Un bébé beau, mais beau !
Et le 23 août 2012, j’ai accouché d’Aaron, un bébé beau, mais beau ! Mon mari et moi étions sur un nuage, on ne regrettait rien tant la naissance de notre fils était merveilleuse. J’ai fait un mini baby-blues à la maternité, mon mari est resté tout le temps avec moi. Le retour à la maison fut difficile, j’angoissais à cause de la mort subite du nourrisson. Mon mari, toujours exceptionnel, me rassurait, prenait le relais. C’est un papa extraordinaire. Il a arrêté de travailler pour s’occuper d’Aaron. C’était sans doute pour lui une façon de compenser le fait que son fils n’ait pas ses gènes. Il avait besoin d’être là pour créer un lien très fort tout de suite. Un an plus tard, on a eu un deuxième garçon, Enio. C’était un soulagement que ce soient deux garçons, ça s’est tellement mal passé avec notre fille. C’est mon mari qui s’occupe d’eux au quotidien. Aaron ne jurait que par son père jusqu’à 2 ans et demi, et pour Enio, c’est pareil. Mon mari sait que mon travail est hyper important pour moi, il m’est reconnaissant de ne pas avoir lâché l’affaire, de l’avoir attendu, d’avoir lutté pour pouvoir fonder une famille ensemble, coûte que coûte. Il sait aussi que ça me rassure qu’il s’occupe d’eux. On est une équipe, on est tellement heureux comme ça ! Mon seul regret, c’est que je ne peux pas faire don de mes ovocytes car j’ai plus de 38 ans. J’aurais tant aimé offrir à une femme ce que le donneur a fait pour nous…
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