La dépression prénatale est une dépression semblable aux autres, mais sa particularité est qu’elle survient pendant la grossesse. On estime qu’elle touche environ 10 % des futures mamans, mais ces chiffres sont probablement sous-estimés. La dépression de la femme enceinte est encore tabou et son diagnostic est difficile. Elle peut avoir des causes variées, liées à la grossesse elle-même mais aussi à des facteurs environnementaux et sociaux propres à chacune. Il n’est donc pas rare que les femmes se sentent délaissées, débordées, submergées pendant la grossesse.
Dépression prénatale : reconnaître les signes
Karine Mayer, psychologue spécialisée en PMA et périnatalité, recommande d’être attentif à certains symptômes inhabituels. “Il est normal d’avoir des fringales pendant la grossesse et à l’inverse de manger moins si on a des nausées ou du reflux, mais une modification dans l’appétit sans cause apparente doit alerter. De même que des changements dans le sommeil, si par exemple la future maman dort plus ou moins que d’habitude, se réveille fréquemment pendant la nuit”, explique-t-elle.
D’autres signes sont plus parlants :
- un sentiment de tristesse et de désespoir omniprésent
- des crises de pleurs dont on n’identifie pas la raison
- un manque d’énergie
- plus de plaisir à faire les activités habituelles que la femme enceinte aimait faire avant.
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Quelles sont les causes de la dépression pendant la grossesse ?
Il est normal pendant la grossesse de ressentir un bouleversement émotionnel, surtout lorsqu’il s’agit d’une première grossesse. Mais cela va être plus ou moins marqué selon les femmes et dépend aussi des circonstances. “Même si la grossesse est désirée et qu’elles sont contentes, les femmes ressentent une ambivalence, le changement qui s’annonce fait peur, provoque du stress et c’est normal. Se demander si on va être une bonne mère, si l’enfant va aller bien, avoir peur de mourir à l’accouchement, c’est une anxiété plus ou moins normale”, observe la psychologue. “Mais si ces pensées sont trop envahissantes, que ce stress est trop important, il ne faut pas hésiter à en parler au médecin ou à la sage-femme”, ajoute-t-elle.
Est-il normal de se sentir isolée lorsqu’on est enceinte ?
Il arrive que les futures mamans se sentent isolées pendant leur grossesse, soit parce que leur entourage est effectivement peu présent auprès d’elles, soit parce qu’elles se replient sur elles-mêmes, se sentent dépassées et submergées par leurs émotions et notamment le stress. Un sentiment de solitude qui peut alors faire le lit de la dépression prénatale. “Tout un travail psychique s’opère pendant la grossesse et il est nécessaire pour devenir mère. Avoir peur est normal, mais cela ne doit pas devenir débordant”, explique la psychologue.
L’impact du “mommy brain”
Dans son livre intitulé Mommy Brain : Découvrez les fabuleux pouvoirs du cerveau des mères !, la chercheuse canadienne Jodi Pawluski montre justement les modifications que subit le cerveau pendant la grossesse. “Il y a des connexions plus fortes entre certaines aires du cerveau. On perd de la matière grise, pour refaire des connexions afin de préparer l’arrivée du bébé et ça dure jusqu’aux 6 ans de l’enfant. Dans ce contexte-là, où le cerveau est en réorganisation, une dépression peut se développer davantage”, observe Karine Mayer.
Enceinte et déprimée : quels sont les facteurs de risque ?
Si toutes les femmes peuvent être touchées par la dépression prénatale, certains éléments peuvent y contribuer. “Par exemple si la femme enceinte a connu des maltraitances pendant son enfance, qu’elle vit dans des conditions sociales défavorables, notamment si elle est isolée, a des difficultés financières, vit dans un contexte de conflits familiaux et sociaux”, détaille Karine Mayer. Le fait que la grossesse ne soit pas désirée ou que le futur papa ne soit pas présent peut aussi avoir une incidence sur la survenue d’une dépression.
“Lorsque la grossesse est très difficile, que la femme enceinte a perdu un enfant lors d’une grossesse précédente lors d’une fausse couche, qu’il y a une suspicion de handicap ou de maladie de l’enfant à naître, ou même des complications liées à la santé de la future maman, tout cela peut aussi jouer”, ajoute la psychologue. Enfin, les femmes qui ont déjà connu une dépression hors du contexte de la grossesse ont plus de risque de souffrir d’une dépression prénatale.
Que ressent bébé dans le ventre de sa maman quand elle pleure ?
“Il est très important de ne pas culpabiliser les femmes, pleurer pendant la grossesse ou souffrir d’une dépression n’a pas d’incidence sur le bébé. La femme enceinte n’est pas responsable si elle est malade. Et la dépression ne passe pas de cerveau à cerveau”, rassure Karine Mayer.
Cette dernière précise toutefois que la situation est plus périlleuse lorsque la jeune maman est déprimée à la naissance du bébé et n’est pas en mesure de construire des liens d’attachements avec son enfant ou de s’occuper de lui. “C’est pour ça qu’il est très important de se soigner pendant la grossesse et de ne pas attendre en se disant que ça ira mieux après”, rappelle la psychologue.
Dépression de la femme enceinte : quand s’inquiéter et quand consulter ?
La dépression prénatale est associée à un risque accru de dépression du post-partum. Une prise en charge est donc indispensable pendant la grossesse. Un accompagnement psychologique est tout à fait possible, en privilégiant un psychologue qui connaît bien la situation psychique des femmes pendant la grossesse.
“Les femmes peuvent voir un psychologue lorsqu’il s’agit d’une dépression légère à modérée. Mais si la dépression est plus sévère, il est important de compléter avec un rendez-vous chez le psychiatre qui pourra prescrire un traitement médicamenteux (anxiolytiques, antidépresseurs)”, conclut Karine Mayer.