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Dépression prénatale : quels sont les signes à reconnaître ?

Une femme enceinte qui déprime. © VioletaStoimenova/GettyImages

Publié le par Joséphine Argence

En collaboration avec Docteure Lucie Joly (psychiatre spécialisée en psychiatrie périnatale et co-auteure du livre « Dans le Cerveau des Mamans » (Éditions du Rocher).)

Une future mère touchée par la dépression prénatale peut présenter différents symptômes, qui sont parfois confondus avec ceux de la grossesse, ce qui retarde la prise en charge. La Docteure Lucie Joly, psychiatre spécialisée en psychiatrie périnatale, nous éclaire sur cette pathologie.

Près de 10 à 20 % des femmes seraient touchées par une dépression post-partum dans l’année qui suit l’accouchement. Ce trouble associe une tristesse intense et inexpliquée, des troubles du sommeil, des croyances négatives ou encore une perte d’intérêt pour la maternité. Depuis plusieurs années, cette pathologie est mieux connue par les professionnels de santé, mais ce n’est pas toujours le cas de la dépression prénatale, qui peut survenir pendant la grossesse.

Comment reconnaître une dépression prénatale chez la femme enceinte ?

Dès le début de la grossesse, la femme enceinte peut souffrir de symptômes liés à la dépression anténatale. « L’anxiété peut être plus forte aux premier et troisième trimestres, avec un léger soulagement au second trimestre, mais la patiente peut être concernée par ce trouble à tout moment. Cette forme de dépression est induite par des modifications cérébrales, qui apparaissent pendant la grossesse sous l’influence de certaines hormones comme la progestérone et les œstrogènes. Elles préparent la future mère à l’arrivée du nouveau-né, mais elles entraînent aussi une sensibilité plus importante aux troubles anxieux et dépressifs », a décrit la Docteure Lucie Joly, psychiatre spécialisée en psychiatrie périnatale à l’Hôpital Saint-Antoine AP-HP (75012) et co-auteure du livre « Dans le Cerveau des Mamans » (Éditions du Rocher) avec le Docteur Hugo Bottemanne.

Quels sont les symptômes de la dépression prénatale ?

Il est estimé que 10 à 15 % des femmes enceintes sont touchées par la dépression anténatale. Pourtant, les manifestations de ce trouble sont souvent confondues avec ceux de la grossesse. « Les équipes médicales sont focalisées sur le suivi organique de la femme enceinte, ce qui ne laisse pas une grande place pour le ressenti émotionnel et psychique. Les professionnels de santé ne font donc pas toujours le lien avec la dépression anténatale », note la spécialiste.

La dépression prénatale peut se traduire par :

  • une tristesse ;
  • une anhédonie, autrement dit une perte d’intérêt ;
  • des troubles du sommeil ;
  • une fatigue ;
  • une perte d’appétit ;
  • une anxiété, qui peut se manifester par des attaques de panique ou des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ;
  • une douleur morale constante pendant la journée ;
  • un sentiment de dévalorisation ou de culpabilité ;
  • un défaut d’investissement dans la grossesse ;
  • une irritabilité ou une tension interne.

Par exemple, les démarches administratives (congé maternité, moyen de garde…) peuvent être très anxiogènes pour la femme enceinte alors qu’elle n’a aucun souci avec ces activités quotidiennes en dehors de la grossesse. Les émotions ressenties par la patiente sont tellement fortes qu’elles l’empêchent d’avancer au quotidien. Dans les cas les plus graves, la dépression prénatale peut conduire à des tentatives de suicide.

Grossesse : quels sont les facteurs prédisposant à la dépression anténatale ?

La dépression prénatale peut survenir dans différents contextes : la découverte d’une malformation fœtale, l’isolement de la mère pendant la grossesse, la primiparité, les antécédents de fausses couches, qui peuvent causer une peur de perdre l’enfant, ou des antécédents personnels de dépression. « Ces facteurs de risque doivent alerter les professionnels de la maternité, afin qu’ils proposent un accompagnement par un psychologue ou un psychiatre pendant la grossesse », note la Docteure Lucie Joly.

Comment est posé le diagnostic ?

Comme pour les dépressions ‘classiques’, différents critères, qui se réfèrent au Manuel de diagnostique et de statistique des troubles mentaux (DMS), sont nécessaires pour diagnostiquer la dépression anténatale. La future mère doit notamment présenter des symptômes associés à ce trouble pendant au moins 15 jours pour que le diagnostic soit posé.

Lors d’une consultation, la sage-femme ou le gynécologue peut également utiliser l’échelle de dépression d’Édimbourg, qui permet d’évaluer l’ensemble des symptômes dépressifs pendant la période périnatale. Ce questionnaire d’autoévaluation composé de dix items est un excellent outil pour dépister une dépression et orienter vers le professionnel de santé adéquat (psychologue ou psychiatre).

Au début de la grossesse, l’entretien prénatal précoce est généralement le premier entretien autour de la grossesse avec un professionnel de santé. Ce rendez-vous permet notamment d’aborder le thème de la préparation à la naissance. C’est aussi l’occasion pour la future maman de verbaliser ses difficultés. Ainsi, le praticien pourra évaluer ce dont elle a besoin pour mieux vivre les prochains mois.

« La dépression anténatale peut avoir un impact très important sur le fœtus. En raison du stress et de la déprime, le taux de cortisol augmente chez la femme enceinte, ce qui entraîne des effets négatifs sur les paramètres obstétricaux (retard de croissance, accouchement prématuré…). Un suivi attentif est donc nécessaire pour prévenir ces risques », prévient la psychiatre.

 

Comment se déroule la prise en charge de la dépression prénatale ?

En cas de dépression prénatale, la patiente est généralement adressée vers un psychologue, qui peut débuter une psychothérapie comme une thérapie comportementale cognitive (TCC) ou une thérapie méta cognitive. Des techniques de médecine douce peuvent également être intéressantes pour réduire le stress et l’anxiété. « Il existe de multiples thérapies, qui vont cibler les croyances dysfonctionnelles associées à la grossesse », précise la Docteure Lucie Joly. En fonction des besoins de la femme enceinte, il est possible d’envisager la méditation en pleine conscience, la cohérence cardiaque ou la sophrologie.

Lorsque les symptômes persistent malgré la prise en charge, une consultation avec un psychiatre est requise. Ce dernier évaluera si la prise d’antidépresseurs, compatibles avec la grossesse, est nécessaire. « Ces médicaments sont prescrits de manière transitoire pour soulager l’anxiété et les symptômes de dépression de la future maman. De manière générale, on les laisse durant le post-partum, car il s’agit d’une période de vulnérabilité importante. La patiente a besoin d’être stable et disponible psychiquement pour son bébé. Néanmoins, il faut avoir en tête que les antidépresseurs sont une aide temporaire, une béquille, et qu’ils seront arrêtés dès que possible », indique la praticienne.

Comment gérer la dépression pendant la grossesse en tant que proche ?

Aux yeux de la société, la grossesse est vue comme une parenthèse remplie de joie et de bonheur. Quand elle la vit mal, une femme enceinte peut ne pas s’autoriser à verbaliser cette anxiété. Il est donc primordial de libérer la parole autour de ce silence, qui pèse sur la maternité. « En consultation, on propose de recevoir les proches (le conjoint, les parents de la patiente), afin de leur expliquer ce qu’elle vit. La patiente a besoin d’avoir du soutien et de l’écoute de la part de ses proches pour aller mieux », souligne la Docteure Lucie Joly.

Le papa ou le co-parent peut-il ressentir des symptômes de dépression pendant la grossesse ?

L’arrivée d’un bébé peut aussi être difficile pour le partenaire. Ce ne sont pas les mêmes mécanismes hormonaux que ceux de la grossesse, mais le père ou le co-parent vit aussi une transition. Les dépressions paternelles touchent 10 % à 15 % des hommes, mais elles ont tendance à passer inaperçues, car l’attention est focalisée sur la grossesse.

Toutefois, les partenaires sont de plus en plus intégrés dans les prises en charge. Il existe notamment des groupes d’échange réservés aux futurs papas, afin qu’ils puissent exprimer leurs interrogations autour de la grossesse et de la parentalité.

La dépression prénatale évoluera-t-elle ensuite par une dépression post-partum ?

La dépression prénatale n’évolue pas obligatoirement en dépression post-partum. Une patiente peut vivre une dépression pendant sa grossesse et avoir un post-partum qui se déroule parfaitement bien. L’important est d’être attentif et de l’accompagner durant cette période de transition lorsqu’elle a vécu une dépression anténatale. « Certaines femmes vivent très mal le fait d’être enceinte. Les transformations corporelles, les douleurs ou l’anxiété liée à l’accouchement peuvent fortement les impacter. Elles sont donc libérées au moment de l’arrivée de bébé. Cependant, il faut être vigilant, une dépression prénatale peut se poursuivre et s’aggraver dans le post-partum si elle n’est pas prise en charge », conclut la Docteure Lucie Joly.

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