« Cette dépression post-partum a eu un impact sur tous les pans de ma vie, avec mes amis, avec mon conjoint, avec ma fille, au niveau professionnel aussi. Ça prenait toute la place.
Selon moi, ça a commencé dès qu’elle est née. À cet instant précis, je suis rentrée dans un rôle. Ils l’ont posé sur moi et je me souviens m’être dit « Ok donc qu’est-ce qu’on attend de moi ? Elle est belle hein ? Ah super belle, elle est belle » je répétais ça en boucle. En réalité je n’étais pas du tout là, je n’avais qu’une envie c’était qu’on me laisse tranquille. Dès le départ, j’étais dans un faux-semblant avec Louise, encore aujourd’hui quand je regarde les photos de cette période, c’est le brouillard. Je n’ai pas de vrais souvenirs. Ce dont je me souviens c’est que je me disais tous les jours : « punaise qu’est-ce que j’ai fait ? », ce qui a eu un impact direct sur le lien avec Louise. Il a mis du temps à se faire. Tout le paradoxe, c’est que je rêvais à ma vie d’avant, que je ne pouvais évidemment pas récupérer, et en même temps je ne voulais pas abandonner ma fille parce que je l’aimais trop.
"Au début j’ai cru au début que c’était ça le post-partum"
Au début j’ai cru au début que c’était ça le post-partum, je me disais « c’est normal c’est le post-partum c’est un premier bébé » sauf que quand ça fait 6 mois et que ton sentiment quand tu penses à ton enfant c’est de l’angoisse avant de l’amour ce n’est pas normal. Je me rappelle aussi que je ne voulais qu’une chose c’était qu’elle dorme et que quand elle dormait je n’avais qu’une peur c’était qu’elle se réveille. Parfois, histoire de sortir un peu, j’allais au Yoga avec elle. Avant chaque séance j’étais terrifiée qu’elle hurle, et je voyais les autres mères, elles avaient l’air épanouies et sereines et moi pas du tout.
Un grand vide intérieur s’installe
Je me revois encore attablée au restaurant avec des amis ou mon conjoint, des moments que j’adorais auparavant, là je me disais « mais qu’est-ce que je fais là, je n’ai pas envie d’être là, je n’ai pas envie de rentrer chez moi non plus, en fait je n’ai plus envie de rien ». Pendant cette première année de maternité, je suis sous l’eau je ne sais plus qui je suis ce que je veux. Je n’ai jamais eu de pensées suicidaires par contre je me disais que j’allais vivre toute ma vie dans cette souffrance.
Au cabinet j’étais en pilote automatique. Pendant sa 1ère année de vie, pour moi être une bonne mère c’était la dévotion. Je me retrouve à organiser toutes mes consultations pour pouvoir tirer mon lait 4 fois par jour. Je n’ai plus de pause-café, ni de pause déjeuner. Tire-lait, sachets, frigo, voiture, maison, frigo, nounou, tire-lait, sachets, etc. Une sorte de chorégraphie s’installe et là arrive le confinement.
Je suis réquisitionnée en néonatalogie. Je me retrouve complètement débordée par mes émotions. Je vois des mères qui vont possiblement perdre leur bébé, et je me dis purée mais j’ai tout moi. J’ai un bébé en bonne santé, un mec super, un toit sur la tête, des amis, une famille, tout est réuni mais je ne suis pas foutue d’aller bien.
Un sentiment de grande dévalorisation s’installe, je pense à ses mères célibataires avec un voire plusieurs enfants, elles gèrent, elles. Il faut que j’arrête de faire la petite fille gâtée et que j’avance.
Enfin la prise de conscience
Bien sûr, cela prendra plus de temps avant que je ne consulte. C’est à partir de ses 1 an que j’ai parlé : à mon conjoint, à mes amis, à ma famille. Tout le monde est tombé de 1000 étages.
J’ai parlé parce que le jour où on fête ses 1 an, j’ai une prise de conscience. Je réalise que vraiment il y a un problème. Quand tu es mère d’un nouveau-né on sait que c’est galère mais quand on est là autour de son gâteau, elle a 1 an et moi j’en suis toujours au même point, à me dire « attends mais là avec la fête elle va rater sa sieste et si elle ne dort pas elle va pleurer, et on va passer un mauvais moment », et que j’angoisse pour tout je comprends qu’il faut agir.
J’ai consulté une psy, qui me diagnostique une dépression du post-partum. J’ai à peine évoqué ce que je vis qu’elle me dit : « vous êtes en train de faire une dépression du post-partum » . À ce moment-là j’étais encore dans un énorme déni. Je me suis défendue de ce diagnostic en objectant que je m’occupais de ma fille. Heureusement ma patricienne a insisté en soulignant que j’avais tous les symptômes. Elle a posé des mots très forts « ce que vous êtes en train de vivre ce n’est pas un post-partum normal. Cette souffrance là ce n’est pas la normalité du post-partum ce n’est pas ça être mère. Si le post-partum est un remaniement psychique, il n’est pas normal de le vivre comme un tsunami ».
En parallèle, ma prise de conscience, vient aussi des réseaux sociaux. J’ai suivi des comptes qui déconstruisaient le mythe de la mère sacrificielle, dès lors j’ai commencé à penser les actions de mon quotidien en me disant : si tu es trop fatiguée pour le faire tu ne le fais pas. Si on est juste tranquille à la maison, c’est ok aussi.
La psy m’aide aussi à déconstruire ce modèle « si vous n’êtes capable que de 15 minutes de qualité le soir, c’est déjà bien ». Ce suivi psychologique m’a permis d’en finir avec la culpabilité, si ma fille ne mange pas une purée maison ce n’est pas grave, si elle joue seule dans son coin, ce n’est pas grave etc.
La souffrance s’estompe au fur et à mesure
Une fois le diagnostic posé, je pensais que je sortirais d’un coup du jour au lendemain de cette dépression. En réalité ce sont plutôt des vagues. Plus Louise a grandi, mieux ça allait. Le sommeil s’est stabilisé, on a pu faire son sevrage nocturne avec l’aide son papa, et trouver un rythme de vie qui me convenait.
L’équilibre qu’on a trouvé, il s’est installé entre ses 2 et ses 3 ans, avec des hauts et des bas tout de même. Par exemple si le sommeil était un peu compliqué en raison d’une maladie, je sombrais facilement en choc de stress post-traumatique. Tout de suite j’étais dans la peur viscérale que le sommeil rebascule. Aujourd’hui elle a 4 ans, et je ne sombre plus dans ces fossés d’angoisse.
Je pense que je suis désormais une bonne mère pour Louise. Je le dis sans aucune prétention. Je suis parfois la mère hystérique, parfois la mère méga patiente parfois la mère hyper aimante parfois la mère autoritaire, je suis plein de mères différentes et j’accueille chacune d’elles.
J’ai conscience que mon bonheur ne dépend pas exclusivement de Louise. Elle fait partie des choses qui me rendent hyper heureuse je pense que c’est l’une des choses qui me rend le plus heureuse d’ailleurs mais mon bonheur n’est pas entièrement dépendant d’elle.
"Un enfant qui va bien, ce sont des parents qui vont bien. Ne vous oubliez pas."
Si j’ai décidé de témoigner de cette expérience c’est pour les femmes en général et pour ma fille en particulier. Je me devais de dire la vérité je me dois de dire qu’être mère ce n’est pas que du plaisir. C’est n’est pas un aboutissement en soi. J’ajoute que nous ne sommes pas des mauvaises mères parce que l’on vit ça.
On dit parfois « Si la vie te donne des citrons, fais-en de la limonade », ma limonade c’est d’être sortie grandie de cette épreuve. Je me dis que je suis plus forte aujourd’hui et si un jour j’ai un autre enfant, je sais que ça peut revenir, mais je mettrais les choses en place avant. Un enfant qui va bien, ce sont des parents qui vont bien. Ne vous oubliez pas. »