L'ostéogenèse imparfaite, plus connue sous le nom de maladie des os de verre, est une pathologie génétique rare, marquée par deux traits caractéristiques : une fragilité osseuse et une faible masse osseuse.
Ces deux caractéristiques sont à l'origine de fractures à répétition, survenant à l'occasion de traumatismes bénins. Sur le plan clinique, les manifestations de la maladie sont très diverses et variées d'un patient à l'autre. Grâce aux progrès de la médecine, différentes anomalies génétiques ont pu être reliées avec la maladie des os de verre. Les spécialistes considèrent aujourd'hui qu'il ne s'agit pas d'une entité clinique unique, mais d'un ensemble de maladies.
La maladie des os de verre se développe dès la conception, même si elle peut se développer après la naissance, et le diagnostic peut être posé plus tardivement. Les deux sexes sont touchés de manière équivalente. « Dans notre cas, la première fracture est a priori survenue lors de l'accouchement, même si nous avons attendu 15 jours après la naissance de notre enfant – et la survenue d'une nouvelle fracture – pour nous en rendre compte. La maladie est donc apparue très tôt dans la vie de notre famille », détaille Constance Dutreix, mère d'un enfant atteint par cette pathologie rare et membre de l'association "Vaincre la maladie des os de verre".
Définition : maladie des os de verre ou maladie de Lobstein
Plusieurs dénominations sont utilisées pour désigner des formes plus ou moins sévères de la maladie des os de verre. La maladie de Lobstein décrit généralement les formes modérées de l'ostéogenèse imparfaite, tandis que la maladie de Porak et Durante correspond le plus souvent aux formes sévères de la maladie des os de verre.
Qu'est-ce qui provoque l'ostéogenèse imparfaite ? Comment se transmet-elle ?
La maladie des os de verre est une maladie génétique et héréditaire, avec un mode de transmission de type autosomique dominant le plus souvent (des formes récessives existent), c'est-à-dire que la transmission n'est pas liée au sexe de l'enfant, car les anomalies génétiques ne sont pas situées sur la paire de chromosomes sexuels. Ce dernier est atteint si les parents sont porteurs du gène déficient. Cette pathologie peut donc se transmettre de génération en génération.
« Nous avons commencé à effectuer des tests génétiques, au moment du diagnostic de notre fils. Mais ces tests ont conclu qu'aucun de nous deux ne possédait les gènes responsables de la maladie. Pour notre fils, la maladie s'est donc développée à la suite d'une mutation génétique », explique Constance Dutreix.
L’ostéogenèse imparfaite correspond dans la grande majorité des cas à une anomalie du collagène I, une protéine jouant un rôle clé dans les tissus de soutien de l'organisme. Le collagène de type I se retrouve notamment dans les os, la peau, les ligaments et les dents. Plusieurs gènes, situés sur différents chromosomes, contribuent à la formation du collagène de type I. Différentes anomalies génétiques peuvent donc provoquer la maladie des os de verre.
Comment diagnostiquer la maladie des os de verre ? À quel âge survient-elle ?
Les premiers signes de la maladie se manifestent à un âge différent, selon sa sévérité. Dans les formes sévères, celle-ci débute dès la vie intra-utérine, tandis qu'il arrive que les formes les plus bénignes ne soient diagnostiquées qu'à l'âge adulte. Dans la majorité des cas, la maladie s'exprime au cours de la petite enfance, avec les premières fractures au moment de la verticalisation et de l'acquisition de la marche.
Le diagnostic peut donc intervenir entre la naissance et l'âge adulte.
« Nous avons eu beaucoup de chance, car le diagnostic a été posé très tôt après la naissance de notre enfant. Certaines familles attendent des semaines, voire des mois, pour savoir de quelle maladie souffre leur enfant. Dans certaines situations, le diagnostic se porte à tort vers la maltraitance », raconte Constance Dutreix.
Fractures, sclérotique bleue... Comment se manifeste la maladie des os de verre ?
Le diagnostic de l'ostéogenèse imparfaite résulte de la combinaison des signes cliniques caractéristiques (fractures à répétition, sclérotique bleue – le blanc des yeux devient bleu) et de signes radiologiques. En effet, les examens d'imagerie réalisés mettent en évidence des lésions proches de celles observées au cours de l'ostéoporose (maladie dégénérative de l'os qui survient généralement avec l'âge), mais aussi des os wormiens. Les os wormiens ou os suturaux, sont des osselets qui se développent en surnombre au niveau des sutures entre les os, parfois au niveau des fontanelles de la boîte crânienne.
Pour confirmer le diagnostic, les médecins recourent à la densitométrie osseuse, qui permet d'évaluer la densité de l'os, et donc sa solidité. Des tests génétiques sont ensuite prescrits pour rechercher l'anomalie génétique en cause, chez l'enfant, mais aussi chez ses parents et au sein de la fratrie.
Le diagnostic pendant la grossesse de la maladie des os de verre
Dans les familles où certains membres sont porteurs d'une ou plusieurs anomalies génétiques en cause dans la maladie des os de verre, un diagnostic prénatal peut être proposé lors d'une nouvelle grossesse. Ce diagnostic s'effectue par le prélèvement d'ADN fœtal après une biopsie de trophoblaste ou une amniocentèse.
Par ailleurs, certaines anomalies peuvent être décelées lors d'une échographie obstétricale et constituent des signes indicateurs d'une possible maladie des os de verre :
- des membres courts et incurvés ;
- des fractures in utero ;
- un crâne mou.
Mais le plus souvent, le diagnostic est porté après la naissance, lorsque les premières fractures apparaissent.
Quels sont les symptômes de la maladie des os de verre ?
Le symptôme le plus connu de l'ostéogenèse imparfaite est sans conteste la survenue de fractures osseuses, au moindre traumatisme. Ces fractures touchent généralement les os longs, notamment des membres inférieurs, et les os plats (côtes, vertèbres). Si les fractures surviennent après un choc bénin, elles se consolident aussi rapidement que chez une personne en bonne santé. Néanmoins, cette consolidation peut être associée au développement d'un cal vicieux (cal mal situé, mal positionné) ou d'un cal hypertrophique (cal trop volumineux).
Les personnes touchées par l'ostéogenèse imparfaite ont souvent une taille réduite par rapport à la normale.
Généralement, plus l'âge des patients avance, moins le nombre de fractures est important, en particulier chez les femmes, lorsqu'elles sont protégées par les hormones œstrogènes, entre la puberté et la ménopause.
La fréquence des fractures osseuses peut également provoquer des déformations osseuses, touchant :
- le fémur ;
- le tibia ;
- le bassin ;
- le thorax.
Ces déformations sont liées à l'incapacité des os, trop mous, à étirer les muscles et les tissus adjacents pour grandir correctement et prendre une position adaptée. Dans le cas du thorax, ces déformations osseuses peuvent réduire les capacités respiratoires, et être à l'origine d'une insuffisance respiratoire. Dans le cas du crâne, les déformations peuvent avoir des conséquences multiples : maux de tête, modification des réflexes, atteintes des nerfs crâniens, modification du visage...
Parallèlement à ces symptômes directement liés aux problèmes osseux, la maladie des os de verre peut être à l'origine d'autres problèmes de santé :
- une atteinte de la sclérotique qui devient bleue ;
- une surdité apparaissant dès l'enfance, ou plus tard, à l'âge adulte ;
- une hyperlaxité ligamentaire, avec par exemple des pieds plats ;
- une peau et des vaisseaux sanguins capillaires fragiles, favorisant le développement d'hématomes et de saignements de nez ;
- des problèmes cardio-vasculaires à l'âge adulte (dilatations, anévrismes, rupture des cavités cardiaques, de l'aorte ou des vaisseaux sanguins cérébraux) ;
- une atteinte dentaire, que les spécialistes appellent la dentinogenèse imparfaite, liée à une fragilité de la dentine, le tissu qui est recouvert par l'émail des dents.
La dentinogenèse imparfaite se traduit par des dents de teinte ambrée et de forme globuleuse. L'émail est plus fragile, et les dents s'usent prématurément, avec la formation fréquente d'abcès.
Tous les patients ne présentent pas tous les symptômes de la maladie des os de verre. L'anomalie génétique et le type (selon la classification de Sillence) influencent profondément le tableau clinique et l'évolution de la maladie.
« Il n'existe pas deux cas identiques dans la maladie des os de verre. Chaque cas est unique et chaque enfant va développer différents symptômes en fonction de la gravité de la maladie », a pu constater Constance Dutreix.
La maladie des os de verre : quels traitements ?
À l'heure actuelle, il n'existe aucun traitement pour guérir la maladie des os de verre. Les traitements entrepris ont pour objectif de soulager au mieux les différents symptômes de chaque malade. Le parcours de soin est un parcours pluridisciplinaire coordonné, avec une prise en charge si possible par un centre de référence spécialisé dans l'ostéogenèse imparfaite et les maladies rares. En France, il existe des consultations spécialisées pour l’ostéogenèse imparfaite et les maladies osseuses, ainsi qu’un centre de référence labellisé (centre spécialisé dans le diagnostic et la prise en charge d’une ou plusieurs maladies rares). Pour la dentinogenèse imparfaite, il existe aussi un centre de référence pour les manifestations odontologiques des maladies rares.
« Nous bénéficions depuis le début de la maladie d'un suivi spécifique à l'hôpital Necker-Enfants malades, à Paris. Dès l'annonce du diagnostic, l'équipe nous a très bien entourés, et nous nous sommes laissé porter par cette prise en charge et cet accompagnement. Puis, petit à petit, nous sommes devenus acteurs dans la prise en charge et avons appris à vivre avec cette maladie », témoigne Constance Dutreix.
Comment prendre en charge la maladie des os de verre ?
La prise en charge doit débuter dès le diagnostic et se poursuivre toute la vie de l'enfant, puis de l'adulte. Elle repose sur une rééducation douce, précoce et autant que possible active. Elle vise deux objectifs principaux : lutter contre les douleurs de l'enfant d'une part, maintenir l'autonomie de l'enfant d'autre part, en favorisant le développement musculaire et la mobilité articulaire. Le kinésithérapeute et le médecin de rééducation sont des acteurs majeurs de la prise en charge et doivent être spécialisés dans la maladie des os de verre.
« Notre vie est rythmée par les séances de kinésithérapie, au moins deux par semaine. Elles ponctuent le quotidien de toute la famille. Leur efficacité est optimale lorsque le kinésithérapeute est spécifiquement formé à prendre en charge des patients atteints de la maladie des os de verre, et c'est justement l'un des objectifs de notre association », souligne Constance Dutreix.
Parallèlement à la rééducation, la prise en charge repose également sur la chirurgie et l'orthopédie. Pour prévenir l'ostéoporose d'immobilisation, il est conseillé d'immobiliser le moins longtemps possible les fractures. La pose de matériel orthopédique est parfois nécessaire dans les formes sévères, pour limiter les déformations et consolider les os. Dans le cas de la colonne vertébrale, une arthrodèse vertébrale postérieure peut être nécessaire. Elle consiste à fixer des tiges à l'arrière de la colonne vertébrale pour la maintenir en place.
En complément de ces traitements, différents processus médicaux doivent être mis en place et adaptés au cas de chaque patient, par exemple, des traitements antalgiques. Des traitements par bisphosphonates (médicaments utilisés dans le traitement de l'ostéoporose) peuvent être adaptés, mais leur efficacité et leur tolérance restent à évaluer. La dentinogenèse imparfaite doit également être prise en charge par des soins bucco-dentaires adaptés et l'administration de fluor.
« Les traitements peuvent être très lourds, notamment en cas de fractures, ou après les chirurgies orthopédiques. Ne pas se projeter, s'adapter au fur et à mesure à chaque nouvelle situation nous a beaucoup aidés à avancer avec la maladie. Il faut réussir à prendre le rythme des rendez-vous médicaux, qui ponctuent notre quotidien », insiste Constance Dutreix.
Maladie des os de verre et espérance de vie : comment évolue-t-elle ?
Le pronostic et l'espérance de vie des patients atteints d'ostéogenèse imparfaite dépendent beaucoup du type de la maladie. Le pronostic sur le plan fonctionnel est lié à la sévérité de la maladie et à la précocité de la prise en charge. En termes d'espérance de vie, elle est généralement normale pour les formes modérées, mais peut être raccourcie en fonction de l'atteinte respiratoire et des déformations rachidiennes.
Un accompagnement au jour le jour
La majorité des patients atteints de la maladie des os de verre sont diagnostiqués tôt au cours de la vie, et apprennent à vivre avec la maladie, ses traitements et ses conséquences.
La vie quotidienne peut être fortement perturbée par la maladie et la prise en charge. Des aménagements sont, notamment, nécessaires pour la poursuite de la scolarité : l'aide d'un AESH (Accompagnant des Élèves en Situation de Handicap), la mise en place d'un PAI (Projet d'Accueil Individualisé), l'aménagement des examens et des concours, etc. Des démarches sont à effectuer pour la reconnaissance du handicap auprès de la MDPH.
Un soutien psychologique au malade et à sa famille peut également être nécessaire. À chaque étape de la vie de l'enfant puis de l'adolescent, l'équipe pluridisciplinaire accompagne le patient et ses proches pour améliorer sa qualité de vie et lui permettre de vivre une vie aussi normale que possible.
Maladie des os de verre et association de patients
Plusieurs associations existent pour informer et sensibiliser sur la maladie des os de verre, mais aussi soutenir les patients et leurs familles.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l'association "Vaincre la maladie des os de verre" : www.vmov.fr
Vous pouvez aussi lire quelques ouvrages consacrés au sujet, dont :
- " L'ostéogenèse imparfaite. Maladie des os de verre", de P. Verhaeghe, paru aux Éditions Frison-Roche en 2002 ;
- " Mystère de la fragilité", d'Isabelle Mordant, paru aux Éditions du Cerf en 2019 ;
- " En mille morceaux", de Stéphane Froger, paru aux Éditions City en 2021.