Bientôt ou déjà parents, on vous accompagne !

Comment faire lorsque bébé a un frein de langue trop court ?

frein de langue © Getty Images

Publié par Barbara Benattasse  |  Mis à jour le

En collaboration avec Raphaël Sebag (Pédiatre spécialisé en néonatalogie installé à l'Hôpital Americain (Neuilly-sur -Seine, 92))

Un frein de langue trop court peut gêner bébé lors de la tétée. Hier très fréquente, la frénotomie, ou section du frein de langue, est aujourd’hui plus rare, et sujette à discussion. Quand la pratique-t-on, et pourquoi ? Les éclairages de Raphaël Sebag, pédiatre, chef de clinique à l’hôpital Armand Trousseau.

Un problème au frein de langue peut nécessiter ce que l’on appelle une frénotomie linguale, qui est une opération consistant à le sectionner. Très répandue il y a quelques années, cette intervention est aujourd’hui de moins en moins réalisée en France, car le réel nombre de diagnostics de frein problématique serait uniquement de 5 à 10 % des bébés. Il existe également quelques alternatives à cette opération, qui permettent de l’éviter.

Comment reconnaître un problème de frein de langue chez le bébé ? Quels sont les symptômes, douleurs, et conséquences ?

Le frein de langue trop court (intérieur ou postérieur) est une anomalie congénitale : le frein de langue, qui attache la langue au plancher de la bouche et aux os des mâchoires, peut dans ce cas être trop court et/ou trop fibreux (donc peu élastique).

« Celui-ci provoque une gêne pour l’enfant, car il y a une mauvaise mobilité de la langue qui ne peut pas dépasser les lèvres et est limitée dans son élévation vers le palais. Le diagnostic est souvent évoqué chez les nouveau-nés qui ont des difficultés d’allaitement », précise Raphaël Sebag, pédiatre, chef de clinique à l’hôpital Armand Trousseau.

Qu’est-ce qui cause le problème de frein lingual (ou ankyloglossie) ?

L’ankyloglossie ou frein lingual anormalement court, est une malformation du nouveau-né qui provoque un sous-développement du frein de la langue, qui est trop court, ferme et dur. La mobilité de la langue est alors diminuée.

Quelles sont les conséquences de ce problème de frein de langue ?

Le frein de langue trop court est particulièrement gênant en cas d’allaitement, car la mise au sein et l’accrochage du mamelon sont plus difficiles. La langue est également utile pour créer l’étanchéité autour du mamelon et faciliter la succion. Si le bébé ne peut pas téter correctement, il finit par s’épuiser et se nourrir beaucoup moins bien.

L’inefficacité du drainage du lait maternel va également favoriser les engorgements des seins, des mamelons douloureux et le risque de mastite douloureuse pour la mère.

À long terme, le frein de langue trop court peut être à l’origine d’un palais étroit, d’un problème de croissance maxillo-mandibulaire ou encore d’une malposition des dents.

Au niveau du langage, chez les enfants entre 3 et 6 ans, un frein de langue court peut impacter la prononciation des mots. Tous les sons qui requièrent une extension de la langue, tels que « t », « d », « n », « l », « s », « z » peuvent être plus compliqués à prononcer pour l’enfant. Bien heureusement, le plus souvent, la langue finit par s’adapter et trouver de nouveaux positionnements.

Comment savoir s’il faut couper le frein de langue ? Quand et pourquoi faire cette opération ?

Les chirurgiens ORL pédiatriques ou chirurgiens infantiles réalisent l’opération lorsque ce frein de langue restrictif a de réelles conséquences sur l’allaitement, que le bébé n’arrive pas à téter correctement (malgré le fait d’avoir tenté d’autres alternatives) , qu’il n’y a pas de prise de poids de l’enfant et que cela provoque chez la mère des douleurs au niveau des mamelons.

Ils peuvent également réaliser une chirurgie du frein lorsqu’un enfant de 5 à 6 ans a des troubles importants de l’élocution.

A savoir : il existe deux chirurgies différentes du frein de langue : la frénotomie (section du frein de langue), ou la frénectomie (exérèse, ou ablation).

Comment couper le frein de la langue à un nourrisson (frénotomie linguale) ?

L’opération est réalisée grâce à une analgésie (suppression de la sensibilité à la douleur) à l’eau sucrée. La libération du frein se fait par section à l’aide de ciseaux, sans point de suture, et l’arrêt des saignements se fait par simple compression à l’aide d’une compresse.

Si le bébé est un peu plus grand, l’opération peut se faire au laser froid avec une légère anesthésie locale, chez un dentiste ou chez un chirurgien O.R.L.

Combien de temps dure la cicatrisation sous la langue après l’opération du frein de langue ?

Après une frénotomie linguale, il est possible de ressentir de la douleur au niveau du frein coupé pendant les 1 à 2 jours qui suivent l’opération. Cette douleur est normale et diminue tout au long de la phase de cicatrisation.

Par ailleurs, il est recommandé de reprendre l’alimentation immédiatement après l’opération.

Jusqu’à quel âge peut-on couper un frein de langue ?

Bien que l’opération soit possible à tout âge, elle est le plus souvent réalisée avant l’âge de 6 mois, lorsque le frein n’est encore qu’une fine et petite membrane celluleuse.

L’ablation du frein de langue, une opération de moins en moins courante ?

Les professionnels de santé se sont rendu compte qu’en général, ce frein de langue court n’avait finalement que très peu d’incidences. D’ailleurs, la plupart des nourrissons ayant une ankyloglossie sont asymptomatiques et n’ont pas de difficultés pour se nourrir.

Aux États-Unis, entre 2003 et 2012, les opérations ont été multipliées par cinq par des professionnels de santé, selon une étude signalée par la pédiatre Gisèle Gremmo-Féger, spécialiste du sujet et coordinatrice du diplôme Lactation humaine et allaitement, à l’université de Lille (59). En Australie, entre 2006 et 2016, la chirurgie du frein de langue a augmenté de 420 % et même de 3710 % dans la région de Sydney.

Pourtant, les recommandations des sociétés savantes américaines et australiennes sont assez claires sur le sujet : la responsabilité des freins de langue dans les difficultés d’allaitement n’a pas été démontrée et la frénotomie ne garantit en rien l’amélioration de ces difficultés ni les troubles du langage, ni d’apnée du sommeil, de reflux gastro-œsophagien ou encore de diversification alimentaire.

L’Académie nationale de médecine a ainsi mis en garde en avril 2022 contre cette augmentation spectaculaire, en France et dans le monde, de la frénotomie linguale, « un geste invasif à risque d’effets secondaires […] potentiellement dangereux pour les nouveau-nés ou les nourrissons ».

« Les médecins y réfléchissent à deux fois avant de réaliser une frénotomie linguale au bébé, ils s’assureront qu’il s’agit bien d’un frein de langue et qu’il n’y a pas d’autres possibilités avant d’opter pour cette solution », ajoute le professionnel de santé

Frein de langue : quelles sont les alternatives ?

« Il faut tout d’abord s’assurer qu’il s’agit bien d’un problème de frein de langue ou ankyloglossie, car parfois, les difficultés d’allaitement sont liées à d’autres facteurs qui ne nécessitent pas une frénotomie linguale », indique Raphaël Sebag.

En cas de doute, on peut faire appel à une conseillère en lactation, qui saura dire si l’opération est essentielle ou non. Parfois, une meilleure position peut suffire à ce que l’allaitement se poursuive malgré tout, et que la quantité de lait ingurgitée augmente progressivement.

L’ostéopathie peut également être utile pour que le bébé relâche les tensions liées à la naissance, qu’il puisse mieux ouvrir la mâchoire, mieux tourner sa tête et ainsi téter correctement et se sentir mieux.

Sources
OSZAR »