Avec Caroline Lambert, psychologue clinicienne, psychanalyste, auteur de Maman sereine, Mère et femme : les clés pour trouver votre équilibre Ed. First.
Concilier Bébé et travail… Pff ! Officiellement, le papa est impliqué, les modes de garde sont variés, on bénéficie de l’égalité homme- femme… De quoi se plaindre ? En fait, on a la pression, et on se met la barre à hauteur de la tête d’une girafe. Car, sans le vouloir, tout le monde, amis, famille, société, (et nous-mêmes souvent !) nous impose des schémas, des modèles par petites phrases, contrexemples ou petites moues qui augmentent encore notre fameuse « charge mentale » et notre culpabilité. Alors, on vous propose de commencer par vous « laver la tête », et détourner les scuds qui pourrissent la tête et la vie d’une jeune maman, bébé dans un bras, ordi portable dans l’autre !
1 - Une mère parfaite ? C’est forcément toi !
Mythe et re-mythe ! Aujourd’hui encore, on attend sans le dire vraiment qu’une jeune mère soit super présentable, avec une maison propre et bien tenue, un bébé bien habillé, une silhouette au top. Moderne donc, mais tout de même bien à la maison…. Stop ! il faut se le dire et le répéter : « ce n’est pas possible. Il faut définitivement renoncer à ce que tout soit parfait et accepter que concrètement, la jeune maman ne pourra plus tout gérer parfaitement, ni toute seule. » annonce la psychologue Caroline Lambert.
Mère parfaite ! « Le mythe de la mère parfaite est souvent entretenu par les femmes elles-mêmes qui jugent les autres femmes. 3 enfants et un travail, on reste à la maison, on est indépendante… On a toujours tout faux ! »
2 - Bébé ou travailler, il faut choisir
« Tu es sûre, tu reprends déjà dans un mois ? Tu peux pas t’arranger ? ». « Ça va te faire de longues journées (sous-entendu au bébé aussi) »… Bien balancé, la copine ! Pile là où ça fait mal tant on culpabilise en voulant ressembler à une mère fantasmatique.
« C’est compliqué de retravailler avec un bébé de trois mois, mais la jeune mère a besoin d’un minimum d’équilibre social. Car la plus grande difficulté est souvent l’isolement. Et l’enfant sera aussi soutenu, « porté » psychologiquement par les autres intérêts de sa mère, alors épanouie. » explique la psy.
La question rester à la maison ou retravailler doit aussi être pesée avec le conjoint et prendre tous les paramètres de cette nouvelle vie en compte : le coût de la garde par exemple, mais aussi l’indépendance financière de la femme ! « Il faut savoir que les choix faits dans les premiers mois vont s’inscrire dans la dynamique du couple et qu’ils seront ensuite difficiles à changer » explique la psychologue. Si l’on décide par exemple de reprendre notre travail lorsque l’enfant aura 3 ans, le père, lui, va trouver son équilibre pendant ce laps de temps, et se reposer sur sa femme présente à la maison en permanence…. Après son congé maternité, la jeune maman continue à tout gérer, elle reprend le travail débordée et finit par arrêter, « burn-outée ». L’aménagement du nouvel emploi du temps, de la nouvelle vie doit se faire dès la naissance.
3 - Un bébé a besoin de sa mère
Sous-entendu, elle doit se dévouer entièrement à son enfant. Oui, un bébé a besoin de sa mère pour qu’elle lui donne la sécurité affective qui va lui permettre de grandir en autonomie et lui faire supporter ensuite les séparations. Mais « On devrait plutôt dire « Un bébé a besoin de sa mère … en forme ! » complète la psychologue. Passer de femme à mère demande beaucoup d’énergie et d’effort d’un point de vue psychique, le modèle familial peut peser très lourd et le face à face avec le bébé peut s’avérer difficile à supporter. « Il est important d’être soutenue dans les premiers moments avec l’enfant. Le lien social est là pour aider la jeune maman. » insiste Caroline Lambert.
« Une mère doit être suffisamment présente, mais aussi incomplète ! Elle ne peut pas anticiper tous les besoins du bébé car ce serait très intrusif pour lui. Et trop de présence physique et psychique peut « étouffer » l’enfant et l’empêcher de bien grandir. Les petits manques sont des frustrations constructives pour lui. » explique Caroline Lambert.
4 - Il suffit de vouloir pour s’organiser
« Quand la jeune mère pense qu’elle peut tout faire, tout mener de front en s’activant encore la nuit, après le coucher du bébé, elle met en danger sa santé sur le long terme. Il faut trouver une solution pour qu’elle dorme ! Le jeune père lui n’a pas cette idée de toute puissance ». Prenons aussi le cas des femmes qui ont des responsabilités, propose Caroline Lambert. A la naissance, les pères changent rarement leurs contraintes professionnelles. La femme, elle, est très sévèrement jugée par exemple si elle a des déplacements pro, surtout avec un enfant en bas âge. C’est vu comme l’abandon du foyer ! Il faut tordre le cou à ces représentations alors que la femme organise et met tout en place pour que le bébé soit bien en son absence. »
Le pédiatre et psychanalyste anglais Donald Winnicott a parlé d’une « mère suffisamment bonne » dès les années 50.
5 – Le père est important quand l’enfant est plus grand
Qui n’a pas entendu « Oh, ton Jules va être un super papa quand Tom sera en âge de jouer au foot ! », sous-entendu d’ici là c’est ton rôle cocotte… Non. Symboliquement, le père est avant tout là pour aider la mère à se défaire de l’enfant. C’est le tiers qui a un effet de séparateur. Mais il peut prendre sa place dans le portage, les câlins pour créer un lien affectif avec son enfant dès la naissance. « Qu’il change les couches ou pas, ce n’est pas ça qui compte du point de vue constructeur. La répartition des tâches dépend de l’image de chacun, de ses idéaux. Le père peut intervenir dans certains gestes du quotidien où il est plus à l’aise que dans d’autres. La psychologue poursuit : « L’important, c’est d’impliquer le papa déjà dans les décisions, les choix, dès le départ. Lui laisser faire les fiches de paye de la nounou par exemple. Il faut que le père ait à vivre le quotidien et qu’il fasse certaines tâches lui-même pour comprendre ce qu’est le fait de vivre avec un bébé et l’éprouver par lui-même. « S’il n’entend que des consignes, il ne va pas avoir envie de rentrer à la maison. Il se sent employé de la mère, avec plein de reproches. La plainte de jeune mère épuisée n’est alors pas entendue ». La meilleure méthode ? Confier le bébé au père quelques heures et le laisser se débrouiller. Les mères ont tendance à porter un regard trop intrusif sur ce que fait le père. Mais si on le laisse agir seul, il va prendre son rôle en main, oser, se dépatouiller, et faire à sa façon !
Et là, c’est peut-être gagné !