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Témoignage : « T'es pas sur le WhatsApp de l'école ? »

des personnes utilisant des smartphones © DrAfter123 / Getty Images

Publié le par Katrin Acou-Bouaziz

«Palpitations, sueur, respiration saccadée : j'ai de nouvelles notifications sur mes groupes WhatsApp de parents. Si j'ignore, c'est l'isolement. Mon fils n'aura peut-être pas les infos pour les devoirs de demain. Et personne ne me dira pour la couleur des chaussons de danse à acheter.»  

« On est vendredi, il est 19h30 et je prends mon Smartphone pour faire une photo dans un concert. Je constate avec effroi qu'il y a 183 messages sur le groupe WhatsApp “Moyenne section IV. »

Récit de ma vie de maman sur WhatsApp

Ils sont arrivés en moins d'une heure car j'avais regardé en sortant de l'école. Mon œil évite les autres notifs, sur les groupes du dessous, “Parents élus”, “École maternelle”, “École primaire”, “Collège”, “Kermesse”, “Centre de loisirs”, “Projet cadeau de la maîtresse”, “Troc de vêtements de ski”… C'est trop pour mon cerveau.

Je pénètre alors avec courage dans le dédale de missives à la recherche de l'info, sûrement urgente, qui a provoqué l'avalanche. « Les dates des chorales des moyens sont sorties. » OMG et alors ? Dois-je faire un article dessus ? L'AFP a-t-elle déjà envoyé une dépêche ? Qu'est-ce que j'en ai, à l'instant, à carrer ? Qui veut sérieusement cette date le vendredi soir et pourquoi tant de commentaires sur l'affaire ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

Je me surprends à rêver au bon vieux mot dans le cahier de correspondance

Ce cahier celui qui sentait la colle Cléopâtre avec laquelle on se shootait, enfant. Le mot que les parents signaient le dimanche après-midi dans un quotidien apaisant, entre “Starsky et Hutch” et “7/7”. Voilà, je rêve d'avoir un brushing et un jogging taille haute, assise devant mon Minitel pour commander mes vêtements de rentrée. Le bonheur des années 1990...

Je rêve d'un gros téléphone gris qui sonne deux fois par jour (le voisin a vu le chat et ma grand-mère veut des nouvelles) et même de l'horloge parlante qu'on appelle quand notre montre ne marche plus. Faut penser à changer les piles aussi !

Mais je m'égare. Comme quoi, il n'y a pas que WhatsApp pour distraire l'attention.

Quand même, cette appli est championne toutes catégories. Le matin, entre le café et la queue-de-cheval de la petite, pas moins de 52 messages seulement sur le groupe “École maternelle” (le plus actif de toute la Silicon Valley), messages que j'aurais tort d'ignorer si je veux savoir que : 1/ La cantine est en grève, 2/ Les poux sont de retour et 3/ On a besoin de parents pour l'atelier pâtisserie.

Parlons-en de l'atelier pâtisserie à l'ère des réseaux. J'ai eu le courage de m'y inscrire pour vivre un de ces moments forts de complicité avec ma fille. Un moment authentique qui sentirait peut-être l'amande de ma chère colle ? Mais la réalité, la virtualité devrais-je dire, fut tout autre.

Dès les premières minutes de cuisine, une autre mère s'est mise à shooter la séance en mode paparazzi. Et moi et ma fille, souriant bêtement sans vraiment le vouloir (et le droit à l'image ?), étions déjà sur WhatsApp 32 secondes plus tard, le début de notre gâteau aux pommes avait déjà une existence virtuelle et même récolté quelques likes de parents qui, au boulot, s'étaient fait aspirer par le tunnel d'infos. Des cœurs partout sur la farine et nos mains qui malaxent la pâte, tous forcément influencés par cette mise en média immédiate.

Si seulement cette tyrannie de l'instant, de l'image était circonscrite à l'école !

Que nenni ! Il existe aussi les groupes d'activités (danse, foot, théâtre, hand), les groupes d'anniversaires (Louis, Charlotte, Eva), les groupes militants (la manif, la pétition) qui, bien sûr, s'ajoutent à nos groupes à nous (copains, sorties, grands-parents, cousinades).

J'oublie certainement tous ceux dont je suis partie, “Katrin est partie”. Oui, parfois, je pars. Culpabilisée et malpolie, laissant derrière moi quantité d'infos, de photos utiles que je dois ensuite retrouver en parlant avec des gens.

Vous avez remarqué vous aussi ? Poser des questions nous rend suspect. « Vous n'êtes pas sur le WA de l'école ? », demandent les parents du quartier devant notre ignorance du changement d'horaire de la bibliothèque. Si si, je l'ai, mais j'ai peur de l'ouvrir.

J'ai peur de subir la grimace de Stessie pendant la peinture.

La colère de Jean-Luc devant la masse de leçons. Le débat sur “Macron démission” au milieu du programme de carnaval. Les dates de conseil d'école noyées par des petites annonces de ce parent qui ouvre son commerce/vend son chien/cherche un vélo.

Sans compter les fois où je finis par participer moi aussi au café du WhatsApp. Pauvre de moi. Stressée à l'idée de manquer un truc vital, une sorte de scoop WhatsApp, genre « la maîtresse est absente et ne sera pas remplacée ». Alors piégée par la discussion en cours, je donne mon avis sur une méthode de lecture ou pire (je suis quand même journaliste aux “Maternelles” !) sur l'éducation bienveillante…

En rentrant de vacances (et donc après une déconnexion totale de mes 17 groupes), j'ai voulu éplucher les notifs…

La tâche était tellement ardue que j'ai failli poser un jour de RTT. J'ai finalement lancé un « Salut à tous, je rentre de congés, il y a un truc important à savoir pour la reprise de l'école ? ». Ça a hésité longtemps, puis les chefs de groupes (parce que c'est implicite, mais il y a des chefs de groupes) ont tous eu quasi la même réponse : « Rien de spécial ».

Jusqu'à ce que dans la soirée, quelqu'un copie/colle un message d'enseignant qui venait d'arriver par mail. Et qu'une cascade de commentaires afflue sur tous les canaux. « Les dates des chorales vont certainement bouger… »

OSZAR »