Au plus fort de la maladie, Mathilde a perdu la moitié de son poids, en moins de deux ans. Un amaigrissement mortifère, qui la force à être hospitalisée plusieurs mois. Pendant 6 ans, elle s’est battue courageusement contre une anorexie mentale. Dans 90 % des cas, cette maladie touche les jeunes filles, entre 12 et 18 ans.
Trois principaux critères sont souvent retenu pour la repérer : un indice de masse corporelle inférieur à 17,5 ; une lutte active contre la faim, associée à des comportements qui ont pour but de faire perdre du poids (vomissement, sport intensif, prise de médicament, etc) ; et une perturbation de l’image corporelle (dysmorphie), induisant une peur panique de grossir.
Toutefois « On peut souffrir d’anorexie avec un IMC de 19, car c’est une maladie mentale et non physique. Malheureusement, même dans le milieu médical, ce critère est encore trop souvent utilisé », déplore Mathilde.
Elle explique qu'« un TCA, c'est un trouble du comportement alimentaire. C'est vraiment très vaste, mais les plus connus sont l’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie. C’est quelqu’un qui a une relation compliquée avec son alimentation et/ou avec son corps. Chacun le vit à sa façon, même s'il y a quand même beaucoup de similarités. En général, une personne qui a des troubles alimentaires a une obsession autour de ce qu'elle mange. Elle va supprimer certaines catégories d'aliments, avoir des peurs autour de certains aliments, avoir une obsession autour de son corps, de son apparence, de son poids, essayer d'être parfaite dans tous les domaines. »
Difficile pour les parents de percevoir les premiers signaux d’un TCA
« On peut le voir par exemple par un refus de manger, une envie de manger tout seul, un refus d'aller à des événements extérieurs parce qu'il y a un repas (comme un restaurant), une augmentation du stress, de l'anxiété... »
L’origine des TCA est encore floue. Ce sont des troubles complexes qui seraient liés à des facteurs à la fois biologiques, psychologiques et environnementaux.
« Je ne pense pas qu'il y ait une seule cause à un trouble alimentaire. C'est vraiment propre à chacun. Pour moi, c’était lié à des blessures d'enfance. »
Que ne faut-il pas dire à un enfant qui souffre d’un TCA ?
Face à ces changements radicaux, les parents peuvent se sentir démunis. Leurs enfants changent, ne sont plus aussi sociables qu’avant, ont perpétuellement besoin d’être rassurés et pourtant, ils vous disent que « tout va bien ».
« Il y a évidemment des choses à ne surtout pas dire à quelqu'un qui souffre de troubles alimentaires : ‟J'ai bien mangé ce midi, donc je ne vais manger qu'une salade ce soir” par exemple. Même si vous ne le dites que pour vous, elle va toujours ramener ça à elle. Non pas qu'elle est nombriliste, mais le trouble alimentaire trouve toujours la moindre opportunité pour culpabiliser la personne.
Aussi, quand on est parent d'un enfant qui souffre d’un trouble alimentaire, on a souvent envie de l'encourager. Mais le fait de dire ‟Ah c'est bien, tu as mangé toute ton assiette”, c'est vraiment la pire chose à dire. L'enfant va plutôt entendre : ‟Ah c'est bien, tu t’engraisses bien”. La réalité est biaisée. »
Comment faire pour aider son enfant au quotidien ?
Le traitement de l’anorexie, de la boulimie ou de l’hyperphagie boulimique repose sur une prise en charge et des soins pluridisciplinaires et nécessite une alliance du patient et de sa famille. Un suivi médical (avec possible hospitalisation), nutritionnel et diététique, une psychothérapie, des groupes de parole, une thérapie familiale, des ateliers d'expression corporelle... peuvent être mis en place. Dans ce combat contre la maladie, la famille, et les parents en particulier, ont un rôle important à jouer.
Encourager son enfant sans parler d’alimentation. « C'est très difficile, mais il faut essayer d'encourager son enfant, sans parler d'alimentation, sans parler du poids. Dire par exemple : ‟Je suis content de passer ce moment avec toi” ou ‟tu es vraiment souriant aujourd'hui”. »
Lui proposer d’aller voir un thérapeute. « Quand on est parent, il faut comprendre qu'on ne peut pas guérir à la place de son enfant. Ce que vous pouvez faire cependant, c'est lui proposer d’aller voir un thérapeute, lui dire que ça peut vraiment l'aider et que ce n’est pas sa faute s’il est malade. Aller chercher de l’aide ne fait pas de lui quelqu’un de faible. »
Être à son écoute sans le culpabiliser. « C’est indispensable de se montrer à l'écoute de son enfant, d’avoir un regard bienveillant et pas culpabilisant. Votre enfant a vraiment conscience que ce qu'il fait, c'est illogique. Il a déjà honte de ses actions. »
Proposer à son enfant d’exprimer ce qu’il ressent. « Je recommande souvent aux personnes qui ont des troubles alimentaires de communiquer, de vraiment expliquer ce qu’il se passe dans leur tête, de vraiment dire ce qui les aide et ce qui ne les aide pas, pour faire de leurs proches des alliés dans la guérison. »
S’informer sur la maladie. « Pour que votre enfant ait confiance en vous, c'est vraiment important de vous informer sur la maladie. Ça lui montrera que vous vous impliquez. »
Toujours croire à la guérison. « Si vous n'y croyez pas, il le sentira et c'est vraiment très difficile. »
Lui répéter qu’on l’aime pour le rassurer. « On pense souvent qu’on n'est pas digne d'être aimé. Alors essayez de toujours dire à votre enfant que vous êtes là s'il a besoin de vous. Essayez aussi de le rassurer. Je demandais tout le temps à ma mère de me répéter ces choses. Même si ce sont des choses que vous avez déjà dit une heure avant, ou même 5 minutes avant. »
Dissocier son enfant de la maladie. « On a un brouillard dans la tête qui nous empêche de vraiment raisonner.
J'ai quelques souvenirs douloureux parce que je disais des mots qui dépassaient ma pensée, parce que je faisais des actions dont j'avais honte. Par exemple, j’ai poussé ma mère parce qu'elle mettait une cuillère d'huile dans la poêle. On a conscience qu'on fait du mal à ses proches et on en souffre terriblement.
C’est important de dissocier son enfant de la maladie. Déjà, ça va vous permettre de protéger l'image que vous avez de votre enfant. Par exemple, votre enfant va vous mentir, mais il ne faut pas être déçu de lui. Puis la deuxième raison, c'est que ça aide votre enfant.
Moi, je me souviens d’une dispute avec ma sœur où je lui disais des choses dures. Elle m'a dit : ‟Mais ce n'est pas ma sœur qui parle là, c'est l'anorexie”. Et ça m’a vraiment aidé, parce que je me suis dit qu’elle avait conscience que je ne lui disais pas ça pour lui faire mal, qu’elle était avec moi, de mon côté, contre la maladie. »
Se faire accompagner. « Un conseil super important : c'est vraiment que les parents aillent chercher eux-mêmes de l'aide. Voir son enfant être détruit par une maladie et se sentir impuissant, c’est terriblement douloureux.
J’invite vraiment à se rapprocher d’associations, de centres médicaux qui sont spécialisés dans les troubles alimentaires et qui organisent parfois des groupes de parole avec d'autres parents. Car en prenant soin de vous, vous donnez implicitement le bon exemple à votre enfant. »
Comment guérir d’un TCA ?
On peut guérir d’un TCA. Dans le cas de l’anorexie mentale, l’évolution est très nettement favorable dans plus de la moitié des cas. Si la maladie est prise en charge tardivement, elle peut devenir chronique et plus complexe, car souvent mêlée à la boulimie. Dans 7 % des cas, elle peut aboutir au décès, par dénutrition ou par suicide.
« La guérison est vraiment propre à chaque personne. Ma guérison a été pluridisciplinaire, comme c'est souvent le cas dans les troubles alimentaires : alimentairement parlant et, évidemment, psychologiquement. Moi, j’ai fait une thérapie cognitivo-comportementale, donc TCC.
On n'est pas responsable de sa maladie, mais il faut être vraiment acteur de sa guérison. J'ai utilisé l'écriture comme auto-thérapie. Ça me permettait de faire de l'introspection, d'avoir des prises de conscience. J'ai lu beaucoup de livres de développement personnel. Ça se fait vraiment petit à petit. »
« Il faut toujours croire à la guérison »
Pour aider d’autres personnes souffrant de TCA et leurs proches, Mathilde a créé un site internet et un podcast, « No rain, no flower ». Elle y partage son histoire, son expérience avec humilité et bienveillance ainsi que de nombreuses ressources et pistes vers la guérison.
« J'ai eu 3 ans d'anorexie sévère et 6 ans de troubles alimentaires. Petit à petit, ça allait mieux, mais j'ai eu des rechutes. D'ailleurs, les rechutes ne sont vraiment pas négatives. Je me dis parfois qu’il faut faire un pas en arrière pour faire deux pas en avant.
Il y avait des soirs où j'allais me coucher en espérant vraiment ne pas me réveiller le lendemain matin. Aujourd'hui, je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma vie. Je me dis même qu’une vie, c'est trop court.
Il faut toujours croire à la guérison. La guérison à 100 %, elle est vraiment possible, alors vraiment croyez-y. »
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