Nous faisons de moins en moins l’amour. En moyenne, 1 couple sur 5 ferait peu voire pas l’amour selon une récente enquête Ifop pour Lelo (2024). En même temps… Comment dire non à une petite soirée Netflix tranquille en pyjama plutôt que de s’épuiser pour 5,4 minutes d’ébat ? Pourtant, on a tendance à nous répéter que sans sexualité, c’est le divorce assuré. Mais, est-ce vraiment le cas ? Sans passion, plus de relation ? Un couple se base-t-il sur les relations sexuelles ?
« Je l’aime mais je n’ai plus envie de faire l’amour » : est-ce normal de vivre sans sexe ?
Au centre de nos relations personnelles et intimes, le sexe est considéré par beaucoup comme « le ciment » d’un couple. Tant et si bien qu’un couple sans sexe, est forcément un couple dysfonctionnel. « Il y a une énorme pression de la société, de l’entourage. Ne pas avoir de vie sexuelle nous marginalise », concède Valentina Bracciale, sexologue.
Gaëlle a 31 ans. Séparée depuis peu, elle est restée 9 ans avec son ancien compagnon. Si les trois premières années ont été passionnelles, le quotidien a rapidement rogné leur vie intime. « Je ne saurais pas dire quand notre vie sexuelle a commencé à fatiguer. On a commencé à ne plus faire l’amour qu’une fois par mois, puis c’est devenu une fois tous les deux, voire pas du tout. » La naissance de leur fille, il y a 3 ans n’a rien arrangé. « J’ai traversé toute une période où mon désir était quasi inexistant. Je n’y pensais même pas. »
Si Gaëlle n’a pas souffert de ce manque de libido, elle s’est inquiétée sur la normalité de ses rapports. De nombreuses personnes (essentiellement des femmes) s’interrogent sur leur non-désir, non pas sous le prisme de leur propre épanouissement mais sur celui de l’autre. « Il y a une forte pression de la société, de l’entourage. Il y a des couples pour qui c’est une perpétuelle négociation. Certaines patientes tiennent même des tableaux Excel pour respecter un certain délai entre chaque rapport et ne pas risquer la frustration de leur partenaire. Elles vivent leur sexualité comme une mise à disposition de leur corps pour leur conjoint », déplore la sexologue. Certaines femmes se forcent pour faire plaisir, par peur de voir leur partenaire leur échapper, parce qu’elle culpabilise ou par « devoir conjugal » mythe ancestral et misogyne. Ici, il est essentiel de rappeler que le sexe n’est jamais un dû. « C’est une rencontre consentie, un moment de partage, de bien-être et non une obligation. » Fort heureusement, la notion de consentement s’installe aujourd’hui au cœur des débats bien que 52 % des femmes déclarent encore qu’il leur arrive de faire l’amour sans en avoir envie.
A-t-on véritablement besoin de sexe ? Quelles sont les conséquences de ne pas avoir de rapport sexuel ?
À en croire Maslow et sa pyramide, le sexe serait un besoin physiologique fondamental, comme respirer, manger ou dormir. L’OMS elle-même estime que la sexualité « est fondamentale pour la santé et le bien-être général des personnes, des couples et des familles. » Si le manque de sexualité peut nuire à la santé mentale de certains, qu’on se rassure, l’abstinence n’est pas dangereuse pour notre santé. C’est davantage un besoin psychologique que physiologique. « On peut très bien se passer de sexe. Quand c’est un choix conscient ou une orientation sexuelle, le sexe n’est pas un besoin fondamental pour l’épanouissement physique, mental et émotionnel », confirme la sexologue.
Ne plus faire l’amour : Y a-t-il vraiment des effets secondaires ?
S’il y a un effet secondaire, il ne peut être que psychologique. Le manque de relation sexuelle en couple, quand il est subi et non choisi peut avoir des conséquences sur notre santé mentale et peut déséquilibrer la relation. N’hésitez pas à en parler à un.e sexologue ou un.e thérapeute qui sauront vous aider. La thérapie de couple peut être une idée à explorer si le couple est en souffrance. La masturbation peut aussi être une alternative agréable et une source de bien-être non négligeable.
Sur le plan physique, de nombreuses légendes circulent autour de l’abstinence, notamment celles des couilles bleues. L’élégante expression désigne la douleur supposément insoutenable que les hommes pourraient ressentir au niveau de leurs testicules s’ils sont dans l’impossibilité d’éjaculer régulièrement. Qu’on se rassure : le corps sait parfaitement se réguler même sans éjaculation. Et s’il est vrai qu’on peut ressentir une douleur due à la vasoconstriction d’une tension sexuelle prisonnière, les femmes sont tout autant concernées et surtout, elle n’est ni mortelle, ni insoutenable ! Conclusion : personne n’est jamais mort d’abstinence sexuelle.
Autre mythe récurrent : celui des hommes, victimes de leur désir. Ils auraient par nature plus de désir sexuel, des besoins à assouvir, des pulsions difficiles à réprimer. Des idées qui font partis des clichés patriarcaux et sexistes qui nourrissent en prime la culture du viol. Sans compter qu’on en oublie la question du consentement. Certes, une femme est davantage sujette à des fluctuations hormonales pouvant perturber sa libido. Il n’y a toutefois rien de naturel dans la charge contraceptive, mentale, le body shaming ou les violences sexuelles dont les femmes sont statistiquement les principales victimes et qui n’activent aucunement leur libido. L’idée selon laquelle le sexe salit les femmes n’aide pas non plus à l’expression des désirs féminins. Et si les hommes assument davantage leurs désirs, c’est aussi parce qu’on leur laisse la possibilité de le faire sans être insulté. Une femme ayant une sexualité libre et active est rapidement la cible d’injure sexiste et misogyne. « On va normaliser le fait qu’un homme a des envies à assouvir. Ce n’est pas le cas pour une femme, quand elle a des envies, qu’elle le dit, c’est une catin », déplore Gaëlle. À l’opprobre, elles préfèrent donc le silence.
Un couple peut-il durer sans relations sexuelles ? Est-il possible d’être chaste et amoureux, sans désir sexuel ?
Pour certains, l’absence de sexe a été une libération. « Je me suis longtemps forcée à avoir des relations sexuelles. Je craignais qu’on me quitte si je disais qu’en vérité, je n’en avais pas envie. Aujourd’hui, j’ose dire non, je m’accepte pleinement. » Elody est asexuelle. L’asexualité est une orientation sexuelle qui concerne les personnes n’ayant pas ou peu de désir, d’envie sexuelle. Selon les derniers sondages, 12 % des Français seraient concernés. « Le sexe ne me dégoûte pas, mais je n’en ai pas envie, ça m’ennuie ». En couple depuis plusieurs années avec Léa, elles n’ont aucunement besoin de sexe pour être heureuses ensemble.
Absence de relation intime et charnelle : Quel est le sens de l’amour platonique ?
Le mot “platonique” vient du philosophe grec Platon. Il évoque le principe dans son Banquet, La République et Phèdre. Vivre un amour platonique, c’est vivre une relation amoureuse sans avoir de relation sexuelle.
Alors que l’absence de sexualité est pour bien des couples, synonyme d’un manque d’amour, elles construisent leur complicité et prouvent leur amour autrement. « On nous demande souvent si on est copine, coloc, collègue car les gens n’arrivent pas à dissocier le couple du sexe. Pourtant je suis convaincue qu’on est mille fois plus solide que d’autres, tout simplement parce qu’on est contraint de communiquer. On discute de nos problèmes, on ne se réconcilie pas sur l’oreiller, dissimulant nos soucis derrière un orgasme. »
On oublie souvent qu’une relation à deux, c’est plus que quelques galipettes. Un couple peut être très heureux avec peu ou pas de sexe, en partageant intimité et complicité. Des colocataires ou de simples amis élèvent rarement des enfants ensemble, ne dorment pas dans le même lit, ne partagent pas de moments câlins ni de discussions profondes sur le chemin qu’ils souhaitent emprunter ensemble. « On peut s’épanouir avec une absence totale d’activité sexuelle avec un pré-requis : la communication. Il faut que tout le monde soit d’accord », prévient Valentina Bracciale.
Même si peu osent l’avouer, il existe de plus en plus de couples, de tout âge et de tout milieu, vivant sans relations sexuelles. « La libido est quelque chose de fluctuante. Elle évolue dans le temps et selon son âge, elle est à géométrie variable. Parfois on a envie, parfois non, parfois jamais, et c’est ok. »