Les émotions impactent le cerveau
Depuis les années 70, les neurosciences n’étudiaient que les fonctions cognitives, intellectuelles, du cerveau. Au XXIe siècle sont apparues les “neurosciences affectives et sociales”, qui étudient les mécanismes cérébraux des émotions, des sentiments et des relations sociales. C’est grâce à cette toute nouvelle discipline scientifique qu’on a enfin découvert l’impact de l’éducation sur le développement du cerveau d’un jeune enfant. Il était temps, car ces découvertes sont absolument capitales.
En effet, entre l’âge de 0 à 2 ans, deux millions de connexions cérébrales se créent dans le cerveau d’un enfant chaque minute, en fonction des expériences qu’il vit. Ensuite un tri s’effectue, les connexions “inutiles” sont supprimées et le cerveau devient opérationnel. Durant ces premières années, la maturation du cerveau de l’enfant est grandement influencée par son état émotionnel, qui dépend de l’attitude des adultes vis-à-vis de lui. Plein d’études nous guident.
Un cerveau ultrasensible au stress
La peur, la menace, le danger stimulent une structure appelée l’amygdale cérébrale : c’est elle qui sécrète du cortisol, la fameuse “hormone du stress”. Émis en grande quantité, le cortisol interfère sur l’hormone de croissance des neurones et nuit donc au développement du cerveau, nous dit une étude de Bruce MacEwen, université Rockefeller, États-Unis, 2007. Or, l’amygdale est la seule structure cérébrale qui soit mature dès la naissance. C’est ce qui rend le bébé ultra-sensible à la peur, avec des répercussions notoires sur son développement cérébral. À l’inverse, lorsqu’on verbalise les émotions négatives, l’amygdale “s’apaise” et sécrète moins de cortisol (Hariri, 2000). L’hormone du stress abîme les structures cérébrales… Et notamment l’hippocampe, siège de la mémorisation. Or, un attachement sécurisant – résultant de réponses adaptées aux besoins affectifs du bébé – diminue la sensibilité au stress de l’hippocampe. De même, une attitude encourageante des parents augmente le volume de l’hippocampe. Autrement dit, critiques et punitions empêchent le jeune enfant d’apprendre, tandis qu’une attitude bienveillante augmente ses capacités !
Des structures cérébrales qui se ratatinent
Le cerveau dans son ensemble est affecté par des stress répétés, qui peuvent avoir de multiples causes : cris, humiliation, mais aussi carence affective et négligence. À tel point que, chez des orphelins de moins de 30 mois ayant subi des carences affectives et sociales, on observe déjà d’importantes perturbations de l’activité du cortex, enregistrée par électroencéphalogramme, donc un retard de maturation. Certaines structures du cerveau réagissent tellement aux émotions négatives qu’elles diminuent de volume ! Ainsi, la maltraitance émotionnelle conduit à une diminution du volume du cortex orbito-frontal de l’enfant. Or, cette structure a un rôle central : elle intervient dans la régulation des émotions, la prise de décisions, la motivation, la capacité à l’empathie, au sens éthique et moral… et même au bonheur, à travers le fameux « système de récompense ».
Grâce aux neurosciences, on ne peut plus élever, “dresser”, comme avant.
Une maltraitance émotionnelle souvent banalisée
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle “maltraitance émotionnelle” tout comportement ou parole qui rabaisse l’enfant : menaces verbales, intimidation, isolement social, humiliation, mais aussi négligence, lorsqu’on ne répond pas à ses besoins, en laissant un bébé pleurer, par exemple… Des comportements que l’on retrouve très souvent dans l’éducation sévère traditionnelle, fondée sur la soumission et l’obéissance, aux moyens de punitions et de réprimandes répétées, de privations, voire de fessées et autres sévices. En effet, ce qui affecte profondément le cerveau, c’est l’utilisation de cette violence émotionnelle au quotidien, comme mode éducatif. Une dispute isolée, des cris lâchés par un parent à bout de nerfs, n’ont pas cet effet délétère, surtout si on prend soin de rassurer l’enfant une fois le calme revenu. Des soins apaisants favorisent ainsi le développement du cortex préfrontal, siège des activités cognitives supérieures – pensée logique, raisonnement –, mais aussi de la régulation des émotions, en lien avec le cortex orbitofrontal. On observe ainsi que des enfants de 9 à 36 mois, bénéficiant de ce type de soins ont un cortex préfrontal plus développé et sont significativement moins inhibés et moins agressifs (Hane, 2010).
Vivre heureux avec son enfant éd. Robert Laffont POCKET du Dr Catherine Gueguen, pédiatre formée à la communication non violente et à l’éducation bienveillante
Comprendre ses émotions pour y faire face
Le cortex d’un jeune enfant étant immature, il n’a aucun contrôle sur sa colère. C’est son cerveau archaïque et émotionnel qui est aux commandes lors de ces véritables accès de rage grâce auxquels il évacue sa tension interne. C’est difficile à comprendre pour les parents, qui y voient de simples caprices, une forme de provocation. Et réagissent en conséquence, en sévissant là où il faudrait rassurer, câliner.
« Les neurosciences sont venues confirmer ce que nous pensions intuitivement et observions de façon empirique : l’humiliation abîme le cerveau du jeune enfant, l’empathie favorise son développement, explique Catherine Gueguen. Or, dans la relation parents-enfants, il est très facile de hausser le ton et d’en venir à une forme de violence verbale sans le vouloir ni en avoir conscience. C’est pourquoi le chemin pour adopter un mode d’éducation bienveillante est long et difficile. » Sans parler du fait que l’enfant apprend beaucoup par mimétisme : plus nous crions, plus nous avons une attitude autoritaire, plus il le fera. Heureusement, les dégâts d’une éducation sévère, qui ne tient pas compte des émotions de l’enfant ni de son immaturité, peuvent être réparés. Cette résilience est possible grâce à la grande plasticité du cerveau de l’enfant, c’est-à-dire sa capacité à se remodeler en profondeur en fonction de son environnement. Il n’est donc jamais trop tard pour changer de cap !
Vous pouvez aussi essayer la méthode EFT, qui consiste à se libérer de ses émotions négatives en touchant des points bien précis du corps. Appliquée aux enfants, elle aider à vaincre phobies et blocages.
Les dégâts d’une éducation qui ne tient pas compte des émotions de l’enfant peuvent être réparés.
La fin de la fessée ?
85 % Des parents français ont recours à des pratiques relevant d’une violence éducative ordinaire
On l’appelle la loi anti-fessée. Et les violences éducatives ordinaires, ou VEO, sont à l’ordre du jour. Car au-delà du geste, il y a une relation parent-enfant à construire peut-être différemment. Une claque n’a jamais tué personne. C’est sûrement vrai. Mais est-ce que ça a grandi l’enfant qui l’a reçue ? Est-ce que ça a grandi l’adulte qui l’a donnée ? Est-ce que la relation entre eux en a été grandie, enrichie ? La proposition de loi contre les violences éducatives ordinaires vise à interdire aux parents d’user « à l’encontre de l’enfant des moyens tels que la violence physique, verbale ou psychologique, les châtiments corporels ou l’humiliation ». L’éducation positive, autrement appelée bienveillante, est peut-être une fenêtre de tir pour penser autrement la relation, l’autorité… car il ne s’agit pas de baisser les bras, là. Les enfants comptent sur la force et l’amour de leurs parents. Des tuteurs plus forts que les bâtons.
Sources scientifiques : revue ‘Sciences et Avenir’.