L’allaitement maternel est reconnu comme l’une des meilleures pratiques pour la santé du nourrisson, offrant une multitude de bienfaits nutritionnels et émotionnels. Mais cela reste-t-il le cas lorsque la jeune mère continue ou reprend la cigarette alors qu’elle allaite ? Carole Hervé, consultante en lactation certifiée, détaille l’impact du tabagisme sur l’allaitement maternel, les risques pour le nourrisson, et partage également ses conseils pour maintenir l’environnement le plus sain possible autour de bébé.
Est-ce grave de fumer en allaitant ?
Vous avez décidé d’allaiter bébé tout en continuant à craquer, de temps en temps, pour une cigarette ? Ne culpabilisez pas, l’allaitement et le tabac ne sont pas recommandés, mais certaines dispositions peuvent permettre de rendre leur cohabitation moins dangereuse.
Les qualités nutritionnelles de votre lait feront tout de même leur travail : permettre à bébé de grandir et de se protéger contre la plupart des infections ! Les bienfaits et l’effet protecteur de l’allaitement contre les infections respiratoires existent même en cas de tabagisme maternel. On a ainsi tendance à dire que mieux vaut un bébé nourri au lait maternel par une femme fumeuse qu’un bébé non allaité et exposé, en parallèle, au tabagisme passif.
Est-ce que la nicotine passe dans le lait maternel ? Comment ?
Les substances nocives contenues dans la cigarette passent dans le lait maternel. En effet, les études scientifiques menées à ce sujet démontrent que la nicotine est une substance lipophile, c’est-à-dire qu’elle recherche les graisses… Notamment, donc, celles présentent dans le lait maternel.
La proportion de nicotine retrouvée dans le lait maternel dépend, bien sûr, du nombre de cigarettes fumées et du temps passé entre la prise de la cigarette et la tétée.
On parle beaucoup, à raison, des dangers du tabagisme pendant la grossesse et de ses effets néfastes sur le bébé à naître. Mais des précautions s’imposent même après l’accouchement, que l’on souhaite allaiter ou non.
Quand la nicotine disparaît-elle complètement du lait maternel ? Quand on allaite, combien de temps faut-il entre fumer une cigarette et l’allaitement d’un bébé ?
On estime qu’il faut au moins deux heures pour que la concentration de nicotine diminue dans le lait maternel. Il est donc fortement recommandé de s’abstenir d’allaiter juste après avoir fumé.
Il faut environ huit heures pour que toute trace de nicotine disparaisse dans le sang. Si vous ne pouvez pas vous arrêter de fumer, le mieux reste donc de fumer après la tétée.
Quand tirer son lait après une cigarette ?
Les mêmes recommandations s’appliquent si vous souhaitez tirer votre lait. Il faut attendre au minimum deux heures.
Cigarette, grossesse et allaitement : le risque d’un sevrage du bébé plus précoce
Plusieurs études démontrent que la présence de nicotine dans le lait, à petites ou fortes doses, peut jouer sur la qualité des tétées. Le tabagisme diminue également la production de lait maternel, probablement par l’effet de la nicotine, qui abaisse les niveaux de prolactine sérique. Le sevrage a lieu généralement plus tôt pour un enfant d’une femme qui fume, par rapport à celui d’une non-fumeuse. La nicotine perturbe aussi le réflexe d’éjection du lait : le lait s’écoule alors plus lentement.
Des études ont également montré que le tabagisme était associé à des concentrations plus faibles de lipides et de protéines dans le lait. Conséquence : les bébés tètent avec difficulté, se nourrissent moins et prennent moins de poids.
E-cigarette électronique et allaitement
Les dispositifs de vapotage sont des appareils alimentés par des piles qui délivrent généralement de la nicotine, des arômes et d’autres additifs sous forme d’aérosol inhalé. On sait peu de choses sur les effets de l’utilisation de la cigarette électronique par la mère sur la santé de l’enfant allaité. Son aérosol peut contenir des produits chimiques nocifs ou potentiellement nocifs, notamment de la nicotine et d’autres substances toxiques, des arômes et des solvants.
La saveur particulière que donne le tabac à votre lait n’est pas non plus du goût de tous les bébés. Si vous avez continué de fumer pendant votre grossesse, votre enfant y est habitué (le tabac passait déjà dans le liquide amniotique) et ne devrait pas rechigner au moment de la tétée. En revanche, si vous avez repris la cigarette à la naissance, il faudra peut-être attendre un peu avant que bébé n’apprécie cet étrange parfum.
Pourquoi le bébé peut-il avoir des conséquences liées à la consommation de cigarettes par sa mère pendant l’allaitement ?
Quels sont les risques du tabac sur le fœtus et le bébé ?
Le tabagisme pendant la grossesse présente de nombreux risques pour le bébé à naître, notamment des risques plus élevés de retard de croissance intra-utérin, de prématurité, de faible poids à la naissance, de complications respiratoires, de malformations congénitales, voire de fausse couche ou de décès à la naissance.
Les substances nocives présentes dans la fumée de tabac peuvent entraîner des complications graves pour la santé du bébé et peuvent avoir des conséquences à long terme. Par conséquent, il est fortement recommandé aux femmes enceintes de cesser de fumer dès que possible et de rechercher de l’aide pour arrêter de fumer afin de protéger la santé de leur enfant à naître.
Cigarette et allaitement : dangers
Si vous n’êtes pas une « grosse fumeuse », c’est-à-dire jusqu’à 5 cigarettes par jour, votre bébé ne devrait pas être plus agité qu’un autre. En revanche, si vous êtes une grosse consommatrice de nicotine (10 à 15 cigarettes par jour), des signes d’intoxication peuvent apparaître et une aide à l’arrêt ou simplement à la diminution du tabac est alors fortement conseillée.
Des coliques plus fréquentes
Tachycardie (modification du rythme cardiaque), pâleur, nausées, voire vomissements, diarrhées, somnolence et hyperagitation sont visibles chez les bébés absorbant un taux de nicotine élevé. Des chercheurs ont retrouvé, dans les urines de petits allaités par des mamans fumeuses (plus de cinq cigarettes par jour), un taux de cotinine (sous-produit de la nicotine) dix fois plus élevé que celui des bébés ayant des mères fumeuses, mais nourris au lait infantile. Sachez aussi que les coliques sont deux fois plus fréquentes chez les bébés de mères fumeuses.
Même à 1 cigarette par jour : attention au tabagisme passif !
Cela peut sembler contre-intuitif, mais n’oubliez pas que la fumée de tabac présente dans l’air ambiant est encore plus nocive pour un bébé que la nicotine qu’il absorbe par le lait maternel. Le tabagisme passif augmente le risque de maladies ORL et bronchopulmonaires, tout comme la survenue de mort subite du nourrisson. Que vous espaciez vos cigarettes de la tétée est important pour réduire les risques en cas de consommation de tabac pendant l’allaitement, mais n’oubliez pas de mettre en place également des mesures de réduction des risques pour le nourrisson s’il est entouré de personnes qui fument.
Un conseil pour les parents fumeurs : ne fumez jamais dans la maison et pensez à aérer régulièrement votre intérieur ! Veillez également à changer de vêtements et à vous laver les mains après avoir fumé et avant de manipuler votre bébé.
Allaitement et arrêt du tabac
Gérer le stress et le yoyo émotionnel du post-partum
Arrêter de fumer est bien évidemment LA solution la plus appropriée pour préserver bébé pendant l’allaitement lorsqu’on est fumeuse. Si vous vous sentez d’attaque et suffisamment motivée, c’est le moment ! Mais la période de l’après-accouchement s’accompagne souvent de grandes émotions. Vous n’avez peut-être pas besoin d’y rajouter le stress du manque de tabac.
Patch, chewing-gum : quid des substituts nicotiniques pendant l’allaitement ?
Sachez que les substituts nicotiniques présentent un intérêt s’ils sont bien utilisés. Le mieux ? Les gommes à mâcher, en prenant les mêmes précautions que si vous fumiez : prenez-les à distance de la tétée, de préférence juste après une tétée, et jamais avant. Si vous optez pour le patch, choisissez-en un qui se retire la nuit pour que la nicotine ne se diffuse pas non-stop dans votre lait.
Dans tous les cas, n’hésitez pas à faire appel à un médecin tabacologue, il saura vous guider pas à pas pour arrêter de fumer, avec un potentiel accompagnement personnalisé.